Une patiente de 99 ans passe 64 heures sur un brancard aux urgences du CHU de Rouen. Sa famille témoigne et les soignants dénoncent un hôpital sous tension.

99 ans et 64 heures sur un brancard aux urgences du CHU de Rouen
Une patiente de 99 ans, prénommée Claire, a passé 64 heures sur un brancard aux urgences du CHU de Rouen dans l’attente d’un lit d’hospitalisation, selon les informations du Parisien. Les faits se sont déroulés le week-end du 18 octobre 2025 et illustrent, selon la famille et le personnel soignant, la saturation de l’hôpital public et le manque de moyens humains et matériels.
Une détresse respiratoire un vendredi soir
Le vendredi 18 octobre au soir, Claire présente des difficultés respiratoires à son domicile. Le SAMU est appelé et la nonagénaire est prise en charge puis transportée vers les urgences du CHU de Rouen vers 21 h 30.
Sur place, les équipes médicales établissent rapidement le diagnostic : un œdème aigu du poumon (OAP). La patiente est mise sous oxygène et sous perfusion, les soins d’urgence sont initiés sans délai.
Mais alors que la prise en charge médicale est jugée rapide par la famille, l’acheminement vers un lit d’hospitalisation va, lui, durer plusieurs jours.
64 heures d’attente avant un lit d’hospitalisation
Arrivée le vendredi soir, Claire reste sur un brancard, dans un box des urgences, jusqu’au lundi midi. Ce n’est qu’en début d’après-midi, le lundi, qu’elle est finalement transférée dans un service de soins de suite et de réadaptation (SSR) à Bois-Guillaume, rattaché au CHU de Rouen.
Au total, la patiente aura passé environ 64 heures sur un brancard aux urgences, dans un environnement de passage, sans lit adapté pour une personne de cet âge. Elle restera ensuite hospitalisée un peu plus d’une semaine avant de pouvoir regagner son domicile le mardi 28 octobre.
Une petite-fille infirmière qui témoigne publiquement
La petite-fille de Claire, Aline, elle-même infirmière, décide de raconter le déroulé de cette hospitalisation dans une longue publication sur Facebook. Son témoignage est largement relayé, partagé près de 1 000 fois, et suscite de nombreuses réactions.
Aline et sa mère se relaient jour et nuit auprès de la quasi-centenaire. Elles aident le personnel à la changer, lui apportent ses repas, l’aident à manger et lui massent les jambes, alors que des rougeurs apparaissent du fait de l’immobilité et de l’absence de lit adapté.
Selon Aline, il ne s’agit pas d’accabler les soignants, mais de dénoncer une organisation saturée et un manque criant de moyens.
“Les soignants subissent autant que les patients”
Face à la situation, Aline refuse de se retourner contre les équipes présentes aux urgences. Elle insiste sur la difficulté de leur travail dans un contexte de tension extrême.
Elle explique :
[“Je n’ai pas voulu m’énerver parce que je ne me serais pas énervée sur les bonnes personnes. Les soignants n’y sont pour rien, ils subissent autant que le patient subit. Il y a même, je crois, une cadre qui est venue nous voir pour s’excuser de la situation. Nous, on est autant désolés qu’eux. … Tout le monde a droit d’être soigné, dans de bonnes conditions, avec les moyens nécessaires.”]
Pour la famille, l’enjeu dépasse ce seul cas individuel : il s’agit de la capacité du service public hospitalier à accueillir les patients, en particulier les plus vulnérables, dans des conditions jugées dignes.
Un exemple parmi d’autres de la crise des urgences
Le témoignage d’Aline attire l’attention d’Urielle Piednoël, aide-soignante et représentante du personnel pour le syndicat UNSA au sein de l’établissement. Contactée après avoir lu cette publication, elle confirme que ce type de situation n’a malheureusement rien d’isolé.
Selon elle, la problématique principale reste la gestion du flux de patients : plus de 200 passages sont enregistrés chaque jour aux urgences du CHU de Rouen. Le manque de médecins urgentistes, la pénurie de lits disponibles dans les différents services et la surcharge chronique des équipes entraînent des temps d’attente très prolongés sur des brancards.
“Des patients 24 à 48 heures sur des brancards, voire plus”
La représentante syndicale décrit des conditions d’accueil dégradées, conséquence directe de la saturation des services d’aval (médecine, gériatrie, SSR, etc.).
Elle détaille :
“C’est difficile de gérer le flux. En règle générale, on est à plus de 200 passages aux urgences du CHU par jour. Il manque cruellement de médecins urgentistes. Il n’y a plus de place dans les services, les services sont overbookés. Effectivement, les patients restent 24 à 48 heures, voire au-delà, sur des brancards, dans des conditions lamentables, c’est inhumain.”
Pour le syndicat, le cas de Claire illustre la “nouvelle norme” d’un système hospitalier sous tension permanente, où la durée de passage aux urgences s’allonge faute de lits en nombre suffisant.
Le CHU de Rouen évoque une situation “exceptionnellement tendue”
Sollicité au sujet de cet épisode, le CHU de Rouen reconnaît une situation “regrettable” et fait état d’une tension exceptionnelle aux urgences durant ce week-end d’octobre.
L’établissement souligne qu’en 24 heures, plus de 250 passages ont été enregistrés, contre environ 200 en temps normal sur la même période. Une grande partie de ces patients devait être hospitalisée, ce qui a provoqué un engorgement rapide, d’autant que les sorties de patients déjà hospitalisés étaient moins nombreuses qu’attendu.
Cette combinaison de facteurs aurait entraîné une saturation des lits disponibles, limitant les possibilités de transfert rapide des patients des urgences vers les services d’hospitalisation.
L’UNSA réclame davantage de lits et de personnel
Face à cette situation, le syndicat UNSA demande à l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie un renforcement des moyens alloués au CHU de Rouen et, plus largement, à l’hôpital public de la région.
Parmi les revendications, deux axes majeurs ressortent :
• L’augmentation du nombre de lits d’hospitalisation dans les services pour réduire les temps de passage aux urgences.
• Le recrutement de personnels supplémentaires, médecins et soignants, afin de garantir une prise en charge plus fluide et des conditions de travail soutenables.
Pour les représentants du personnel, ces mesures sont indispensables pour éviter que des situations comme celle vécue par Claire ne se répètent.
Une patiente très éprouvée, une famille inquiète
Aujourd’hui, Claire est rentrée chez elle, mais reste très fatiguée. La nonagénaire se remet progressivement de son œdème aigu du poumon et de son long passage aux urgences. Sa famille reste marquée par ces 64 heures sur un brancard, qu’elle considère comme symptomatiques d’un système à bout de souffle.
Au-delà du choc émotionnel, ce cas relance le débat sur la prise en charge des personnes âgées aux urgences, la dignité des patients en attente d’un lit et la capacité du service public hospitalier à faire face à une demande croissante avec des ressources limitées.
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