Les Vérificateurs poursuivent leur série autour des fausses informations historiques très répandues.L’objectif : rétablir la vérité en partenariat avec l’essayiste Philippe Valode et son ouvrage « Les Grandes rumeurs de l’Histoire ».Épisode n°6 : l’affaire Markovic, ou comment un assassinat a été instrumentalisé à la fin des années 1960 pour tenter de compromettre la carrière politique de Georges Pompidou.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

À l’automne 1968, Georges Pompidou est un homme plein d’ambition. Il a quitté quelques mois plus tôt Matignon, après six ans passés au poste de Premier ministre. Si le général de Gaulle est toujours à la tête de l’État, l’ex-chef du gouvernement ne cache pas ses ambitions présidentielles. 

Son ascension vers les plus hautes marches du pouvoir ne se déroule toutefois pas sans accrocs. Le 1er octobre 1968, un corps est découvert sans vie dans une décharge des Yvelines, sur la commune d’Élancourt. L’autopsie va conclure à un assassinat, un sombre fait divers qui ne tardera pas à être instrumentalisé politiquement. La cible ? Georges Pompidou, ciblé par l’intermédiaire de son épouse Claude.

L’affaire Markovic se nourrit de mensonges

Retrouvé dans la housse d’un matelas, le corps de la victime est ligoté et bâillonné. Qui est cet homme, encore bien conservé, mais au crâne défoncé ? L’identification se révèle difficile et seules les empreintes digitales permettent de mettre un nom sur le cadavre. Il s’agit de Stevan Markovic : d’origine yougoslave, il a rejoint la France dix ans plus tôt, en 1958, à l’âge de 21 ans. « C’est un voleur, un menteur, un bagarreur, un joueur, un corrupteur », retrace l’essayiste spécialisé dans les chroniques historiques, Philippe Valode. 

Dans son livre Les Grandes rumeurs de l’Histoire (nouvelle fenêtre), aux éditions Opportun, l’auteur glisse que l’affaire va déborder des milieux du grand banditisme, se rapprochant du monde du show-biz. Markovic gravite en effet autour d’une personnalité bien connue des Français : l’acteur Alain Delon, qui avait accepté de l’engager à son service. La star se trouve pendant un temps soupçonnée d’être impliquée dans cette histoire de règlement de compte, mais tandis qu’Alain Delon est peu à peu mis hors de cause, les enquêteurs explorent d’autres pistes. La police s’intéresse aux activités du défunt Yougoslave : parmi les hypothèses figure celle d’un chantage au sex-polaroïd, orchestré par Stevan Markovic.

La presse de l’époque suit de près l’enquête. Des rumeurs s’intensifient et le bruit court dans Paris que des personnalités pourraient être impliquées dans cette mystérieuse affaire. Markovic est suspecté d’avoir fait chanter des célébrités. Son arme ?  Les menacer de dévoiler au grand public photos intimes et compromettantes, réalisées au cours de parties fines. Parmi les noms qui se mettent à fuiter, on retrouve celui de Claude Pompidou, l’épouse de l’ancien Premier ministre. 

Il s’agit ici d’élucubrations sans fondements, mais les bruits de couloirs ne cessent de s’intensifier. Un photomontage circule, sur lequel on reconnaît la future première dame. Un faux, bien sûr, mais il en faut peu pour alimenter les spéculations. Et entretenir une atmosphère qui allie défiance et soupçon. « Le malheureux Georges Pompidou, revenant de vacances, est abasourdi lorsque son conseiller Jean-Luc Laval lui apprend quelle accusation pèse sur son épouse », relate Philippe Valode. « Sa colère », à l’époque, « n’a alors d’égale que son écœurement. »

La politique est un milieu cruel. Georges Pompidou s’en convainc en découvrant le peu de soutien qui lui est témoigné par le général de Gaulle, ainsi que par la manière dont certains tentent d’instrumentaliser l’affaire pour s’attaquer à lui politiquement. Amer, il pointe du doigt lors d’une visite à l’Élysée la mobilisation d’officines gaullistes contre lui, qui auraient profité de leur proximité avec les services de documentation extérieure et de contre-espionnage. Un feuilleton qui a duré de longs mois, tandis que l’enquête piétinait. Elle s’achèvera d’ailleurs quelques années plus tard par un non-lieu, les charges retenues contre le principal suspect n’ayant pas été jugées suffisamment solides par la justice pour attester de sa culpabilité.

Les épouses des responsables politiques prises pour cible

L’affaire Markovic illustre à merveille la manière dont une rumeur est utilisée pour tenter de décrédibiliser un individu. A fortiori lorsque celui-ci occupe des fonctions importantes au sein de l’État. Pour éviter de s’en prendre de manière frontale à l’intéressé, ce sont ses proches que l’on cible. Un procédé assez simple et qui s’est répété à travers l’histoire. 

L’exemple le plus récent en date dans le champ politique concerne l’actuel chef de l’État. Des individus ont en effet assuré ces dernières années que Brigitte Macron était une femme transgenre. La théorie qui s’est répandue en ligne consistait à expliquer que Brigitte Macron, née Trogneux, n’aurait en réalité jamais existé. Son frère Jean-Michel aurait ainsi pris cette identité après avoir changé de sexe. En septembre 2024, deux femmes à l’origine de cette théorie conspirationniste ont été jugées et condamnées par le tribunal correctionnel de Paris pour diffamation. 

La semaine prochaine, retrouvez notre septième et dernier épisode des « Grandes rumeurs de l’Histoire », consacré à la rumeur d’Orléans et à la « traite des blanches ». Et si vous souhaitez que nous parlions d’une rumeur historique, écrivez-nous à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.

Thomas DESZPOT