En ce début de printemps, au 99 de la rue Claude Monet, Cyrille Sciama exulte. La raison de son enthousiasme ? « La collection Nahmad – De Monet à Picasso », l’exposition présentée au musée des Impressionnismes Giverny, qu’il dirige. Il est vrai que le parcours proposé aligne une belle brochette d’artistes « blue chip » (valeur vedette), pour reprendre un terme utilisé dans le monde de la finance : Monet, évidemment, mais aussi Sisley, Gustave Moreau, Odilon Redon, Matisse, Renoir, Toulouse-Lautrec et, bien entendu, l’incontournable Picasso.

« L’histoire de la collection Nahmad, c’est l’histoire d’une passion, soutient Cyrille Sciama. La famille s’est toujours intéressée de près à l’actualité artistique, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Il y a chez eux une audace assez remarquable, la volonté de trouver la pièce la plus rare ou la plus spectaculaire. Certaines œuvres en leur possession ont été achetées et revendues plusieurs fois. »

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les estimations, la collection Nahmad serait composée de quelque 4 500 œuvres représentant une somme avoisinant les 3 milliards de dollars. Parmi celles-ci, environ 300 peintures de Picasso dont la valeur atteindrait le milliard – c’est-à-dire la plus importante collection privée d’œuvres de l’Espagnol.

À 17 ans, il vend son premier Max Ernst

Ezra (à gauche) et David Nahmad (à droite) avec leur père Hillel au début des années 1960 à Milan, où la famille s’est installée après avoir fui la Syrie.

Ezra (à gauche) et David Nahmad (à droite) avec leur père Hillel au début des années 1960 à Milan, où la famille s’est installée après avoir fui la Syrie.

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Coll. Nahmad • © Collection Nahmad

L’histoire de cette collection telle qu’elle est racontée par les Nahmad eux-mêmes commence du côté d’Alep, en Syrie, où vivaient le patriarche Hillel Nahmad, banquier juif séfarade, et sa femme Mathilde Safra. Parmi leurs huit enfants, trois sont bien connus du monde de l’art. Joseph, dit « Joe » ou « Giuseppe », est né en 1932, à Alep. Ses frères, Ezra et David, sont venus au monde respectivement en 1945 et 1947. En 1949, toute la famille a dû fuir la Syrie pour Beyrouth après des violences anti-Juifs, avant de s’installer plus durablement, dans les années 1960, à Milan.

Le premier Nahmad à s’intéresser au monde de l’art est Joe. Homme d’affaires aimant le risque, il achète à tout-va et un peu dans tous les sens, en grande quantité. Dans une interview accordée à Paris Match en juillet 2013, son cadet David Nahmad raconte : « Il achetait tout. S’il entrait dans une boutique pour acheter une valise, il en sortait avec dix ! Même chose pour l’immobilier. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec des dizaines d’appartements. […] Joe était fou d’art. Il fréquentait Fontana, [le sculpteur Arnaldo] Pomodoro, [Marino] Marini, Chirico. Il avait une maison sublime à Milan, décorée par ses amis artistes. »

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