L’agence américaine en charge des exportations d’armement a demandé au Congrès américain d’autoriser la vente de missiles SM-2 et SM-6 à l’Allemagne dans le cadre du dispositif de Foreign Military Sales. Si aucun contrat n’a encore été signé, il apparaît que l’Allemagne souhaite bien se doter du plus puissant des intercepteurs américains, le SM-6.
L’Allemagne est lancé dans un programme de réarmement colossal. Un processus dans lequel elle mise beaucoup sur les technologies des industriels américains. Cela se vérifie dans le domaine naval. La Marine allemande cherche en effet à se doter de missiles antiaériens, y compris le dernier né outre-Atlantique, le puissant SM-6 Block 1. Le missile est principalement destiné à équiper la future frégate de défense aérienne de type F127 allemande. Pierre angulaire du renouvellement naval, six unités étaient initialement envisagées, mais ce chiffre pourrait monter à huit d’après la presse allemande. La frégate type F127 est un bâtiment devant mesurer 160 mètres de long, pour un déplacement de 10.000 tonnes, du jamais vu dans les marines modernes européennes. Construites en coopération par TKMS et NVL (ex Lurssen), ces puissants bâtiments à vocation antiaérienne reposent sur l’architecture AEGIS américaine et notamment le radar AN/SPY-6 de RTX (ex-Raytheon) qui équipe déjà de nombreux destroyers Arleigh Burke.
Image de synthèse de la future frégate F127.
De fait l’utilisation d’armements américains paraissait inéluctable. Restait à savoir si l’Allemagne se doterait du SM-6 en plus des traditionnels SM-2. Cela devrait donc être le cas. La Defense Security Cooperation Agency [DSCA] propose au Congrès américain d’autoriser la vente via les Foreign Military Sales (FMS) de 173 SM-6 Block 1 et 577 SM-2 Block IIIC, le tout pour un montant prévisionnel de 3,5 milliards de dollars.
Le SM-6 apporte de réelles capacités anitballistiques.
Le missile SM-6, aussi appelé RIM-174 Standard Extended Range Active Missile (ERAM), a été mis en service à partir de 2013 dans l’US Navy. C’est l’intercepteur occidental au plus long rayon d’action. Il peut ainsi sur le papier traiter toutes sortes de menaces aériennes dans un rayon de 460 km, tout en disposant d’une capacité secondaire de frappe contre la terre ou la mer. Il a démontré sa capacité antibalistique lors des tirs de missiles Houthis au Yémen. En décembre 2023 et janvier 2024, deux destroyers de type Arleigh Burke, les USS Laboon et USS Carney ont intercepté avec succès des missiles balistiques à courte portée houthis. On notera que ce missile peut également être déployé depuis des conteneurs verticaux acheminés par camion pour une défense de zone terrestre, mais également être tiré en configuration air-air depuis des chasseurs F/A-18E/F Super Hornet.
Le SM-6, qui n’a pas encore d’équivalent en Europe, a déjà été vendu au Japon, l’Australie, la Corée du Sud et donc maintenant l’Allemagne. La frégate F127 doit disposer de 64 cellules de lancement vertical Mk 41 VLS disposées en deux blocs distants de 32 cellules. Pour l’instant seuls les SM-2 et SM-6 sont annoncés, mais la présence de missiles de plus courte portée comme des ESSM qui peuvent être intégrés par quatre dans un seul silo n’est pas inenvisageable, le missile équipant déjà la marine allemande. À côté de cela, la F127 doit mettre en œuvre deux lanceurs courte portée SeaRam (21 missiles par lanceur), huit missiles antinavire NSM du norvégien Kongsberg, ainsi que de l’artillerie avec une tourelle de 127 mm et d’autres tourelles de calibres inférieurs de la gamme des 30 mm.
Le programme de frégates anti-sous-marines F126 subit des retards et des surcouts, mettant en difficulté son concepteur, Damen.
Si le programme F127 est en pleine croissance, ce n’est pas le cas de son pendant anti-sous-marin, la F126. Construite en coopération entre Damen et NVL, le programme affiche de sérieux retards et dépassements de coûts qui fragilisent grandement l’industriel néerlandais. D’autant que le gouvernement allemand se montre très critique envers Damen et souhaiterait remodeler le programme. Les derniers éléments sortis dans la presse outre-Rhin avancent qu’une enveloppe financière de 7,8 milliards d’euros pourrait être mise sur la table pour une sortie de crise. Cela ne pourrait se faire que si Damen laissait la main à son sous-traitant NVL, voir abandonnait complètement le programme. La piste d’un plan B pour commander d’autres navires à la place du design de la F126 n’étant pas non plus exclue. L’Allemagne a jusqu’ici prévu de commander six frégates F126, d’un déplacement similaire à la F127.
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