Jusqu’à vendredi, le maire de Tarbes Gérard Trémège et neuf autres personnes, anciens chefs de service et entrepreneurs, comparaissent devant le tribunal de Pau pour favoritisme lors de l’attribution de marchés publics et de la vente de biens communaux.
« Je peux admettre avoir commis des erreurs mais je n’ai jamais fait de mal. Il y a peut-être des choses que j’ai mal faites, mais pas intentionnellement » se défend Gérard Trémège à la barre du tribunal de Pau, au premier jour du procès des marchés publics de la ville de Tarbes qui dure jusqu’à vendredi.
Mis en examen en 2015, le maire de Tarbes est accusé de favoritisme lors de l’attribution de marchés publics et de la vente de biens de la ville qui auraient profité à des proches. En termes juridiques, le maire de Tarbes est renvoyé devant la justice pour prise illégale d’intérêts et atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats lors de l’attribution de marchés publics.
Neuf autres personnes comparaissent dans cette affaire dans laquelle elles sont impliquées à divers degrés : son ancien directeur général des services Michel Caillaud, ses chefs de service Jean-Louis Di Vita (urbanisme), Jean-Pierre Ducasse (architecture), Michel Parra (voirie), René Romain (espaces verts), l’architecte Joris Ducastaing et trois chefs d’entreprise Serge Sanguinet directeur de la société de travaux d’élagage du même nom, Pierre Lafforgue dirigeant de l’entreprise homonyme de matériaux, Pierre Vallé directeur de la société Efficass Metal.
Petits arrangements entre amis ?
Ces irrégularités portent notamment sur le chantier de réhabilitation du marché Brauhauban. Mais ces faits qui se sont déroulés entre janvier 2009 et mars 2015, concernent aussi les conditions de la vente du bâtiment 204 à la SCI (société civile immobilière) dirigée par l’architecte Joris Ducastaing et les conditions de la cession du bâtiment 108 à une SCI cogérée par Michel Parra. La justice soupçonne le maire « d’avoir fait plaisir » à son ancien chef de service.
Accusé d’avoir acquis un bien municipal alors qu’il était encore cadre de la mairie, le chef du service voirie et réseaux divers (VRD) est aussi soupçonné d’avoir « favorisé des sociétés amies de M.Trémège » dont La Routière des Pyrénées dont il aurait bénéficié de travaux gratuits.
Il aurait rédigé « un rapport d’analyse erroné » pour mettre en avant le délai d’intervention plus rapide de l’entreprise que sa concurrente. Michel Parra déclare qu’il « n’avait aucun pouvoir de faire travailler qui que ce soit, qu’il n’a reçu aucune instruction de M.Trémège » et estime « qu’il n’y a rien d’illégal dans ce qu’il a fait ». Est jugée aussi la tentative ou la volonté de rendre un terrain constructible propriété de la société « Tout pour l’eau », près de la concession Audi, au bénéfice d’un proche du maire.
Par ailleurs, Gérard Trémège est soupçonné notamment d’avoir favorisé des entreprises dont il était commissaire aux comptes, bien avant d’être maire, comme la SAS Lafforgue qui est poursuivie pour recel de prise illégale d’intérêts. En plus d’avoir des liens professionnels, Gérard Trémège et Pierre Lafforgue entretenaient des relations amicales et partaient en vacances ensemble. Mais pour dissiper tout soupçon, l’entrepreneur déclare que « les frais de ces voyages étaient partagés », pas plus qu’il n’aurait profité de sa proximité avec le maire pour bénéficier d’avantages.
Concernant les travaux du marché Brauhauban, une des deux expertises judiciaires relève « un énorme manque de rigueur dans l’analyse des candidatures et des offres » et « un vrai sentiment de malaise dans le classement des offres ».
« Un climat de peur et de pression »
Comme la société de Joris Ducastaing dont « l’offre était incomplète de sorte qu’elle aurait dû être rejetée », d’autres entreprises ont été retenues, sans avoir fourni, par exemple, de bilans comptables « sur les trois dernières années ».
De la même façon, le maire, Michel Caillaud, ancien directeur des services et Jean-Pierre Ducasse, ancien responsable du service architecture, sont accusés d’avoir facilité l’obtention de marchés publics pour Efficass.
La société qui s’est vue attribuer 15 marchés publics par la ville de Tarbes dont la réhabilitation de la cuisine centrale, « n’a pas fourni les documents suffisants, comme le mémoire technique ou les bilans financiers ». Par ailleurs, son dirigeant M.Vallé estime « tout à fait naturel » d’avoir demandé à la ville une avance de trésorerie sur un marché public dans un contexte où son entreprise était au bord du gouffre financier, et d’avoir été informé d’un appel d’offres avant même sa publication.
Choisie par la ville, la société Sanguinet ne présentait pas non plus certains documents dont la norme réglementaire requise.
Accusé d’avoir profité des largesses de la collectivité, Serge Sanguinet nie être intervenu « de façon directe ou indirecte » et plaide une certaine négligence par rapport à la procédure. La justice reproche aussi aux responsables de la ville « un déficit de motivation pour l’éviction des autres sociétés ».
Existait-il « un système Trémège » ?
Les collaborateurs de Gérard Trémège décrivent « un climat de peur et de pression » qui auraient pu être à l’origine d’un processus décisionnel débouchant sur des irrégularités. Il aurait été exercé notamment par « un maire très autoritaire, lunatique, colérique, voire manipulateur et despotique ».
À commencer par l »un de ses plus proches élus, l’ancien adjoint aux travaux Michel Forget qui s’est « senti trahi » par Gérard Trémège : « Le maire se mettait hors de lui quand il découvrait qu’une entreprise moins ou mieux disante, n’était pas de la région. On ouvre les yeux et on prend conscience de beaucoup de choses. C’est un homme qu’on idéalise et cela fait mal quand on se trompe ».
« Tout ce que j’ai pu dire méchamment, je le regrette, se défend le maire de Tarbes. Je reconnais de la colère ponctuelle et impulsive qui exprime une insatisfaction sur le manque de rapidité et d’efficacité de l’exécution de certains projets.
Je n’ai jamais donné d’instruction pour que l’on choisisse telle ou telle entreprise. S’il existe un système Trémège, celui-ci est basé sur la rapidité et l’efficacité. Tout ce qui a été fait en 25 ans, était dans le seul intérêt de la ville, jamais dans mon intérêt personnel ».
Pour le mlnistère public, « on ne peut se défausser sur les services techniques quand on a été commissaires aux comptes »‘. « J’assume ma responsabilité, persiste à déclarer Gérard Trémège, mais un maire a autre chose à faire que de s’occuper des règles des marchés publics ».
De son côté, Pierre Vallé dénonce « des accusations infondées et incohérentes alimentées par une campagne de dénigrement ».