FIGAROVOX/TRIBUNE – À l’heure où l’Allemagne instaure un tarif de l’électricité subventionné pour ses industriels, la France s’accroche aux règles du marché européen de l’électricité, pourtant délétères pour son économie, déplorent Alexandre Jardin, William Azan et Walid Sinno.

Alexandre Jardin est écrivain et a récemment publié Les #Gueux (Michel Lafon, 2025). William Azan est avocat en droit public des affaires, et est spécialisé dans l’énergie. Walid Sinno est président de Cquestra (opérateur décarbonation). 

J’accuse le pouvoir français de ne pas rappeler cette règle d’airain : l’économie n’est que de l’énergie transformée. Tout, absolument tout — nos logements, nos usines, nos grille-pain, nos brosses à dents, nos aliments, nos emplois, notre avenir — dépend du prix de l’énergie. J’accuse le gouvernement de s’accrocher follement à un marché européen de l’électricité devenu un carcan mortel, alors même que l’Allemagne — qui avait imposé ce modèle via les mécanismes européens — s’en affranchit désormais en pratique pour offrir à son industrie un tarif subventionné d’environ 5 centimes le kilowattheure sur les années 2026-2028. Parce qu’elle en a les moyens.


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J’accuse le président de la République et le premier ministre de demeurer inertes alors que, jeudi 13 novembre, la coalition allemande au pouvoir a annoncé officiellement la mise en place d’un prix subventionné pour les industries électro intensives, pour un coût estimé entre 3 et 5 milliards d’euros par an. Tous les leaders allemands — Friedrich Merz (CDU), Markus Söder (CSU), Bärbel Bas et Lars Klingbeil (SPD) — ont validé cette orientation. Et Friedrich Merz a même précisé que « les discussions avec la Commission européenne sont en grande partie terminées ». Autrement dit : c’est acté, allez vous faire voir les gueux, les nations de pauvres.

J’accuse ceux qui, en France, ont accepté que Berlin protège ouvertement ses usines tandis que Paris laisse les siennes crever en silence sous un différentiel de prix insoutenable. Sommes-nous fous ? J’accuse le président de la République de laisser la France, pays du nucléaire bon marché, continuer de payer un prix issu du « marché européen couplé » — un prix dont la référence marginale est très souvent une centrale à gaz allemande — tandis que l’Allemagne, pays du lignite pollueur, baisse ses taxes massivement, subventionne ses réseaux et assure à son industrie un prix net proche de 50 €/MWh. Imbattable. En trichant avec l’Europe.

J’accuse enfin la structure même du cadre européen de tarification de l’électricité, vénéneux, toxique : un système suicidaire qui empêche les États de vendre leur électricité au coût national de production, au nom d’un marché prétendument intégré, mais qui s’effondre dès lors que les pays les plus riches – l’Allemagne – le contournent par des baisses officielles de taxes et des subventions exorbitantes.

J’accuse ceux qui ont préféré les chèques énergie électoralistes à une baisse structurelle du prix. Le populisme plutôt que l’action gaullienne.

La France, qui aurait pu financer à très bas coût le renouvellement de son parc nucléaire, a préféré suivre docilement l’Allemagne dans sa fuite en avant antinucléaire — jusqu’à fermer Fessenheim, et jusqu’à accepter que Berlin envisage un recours juridique contre la Pologne pour avoir choisi le nucléaire contre le charbon — et se retrouve aujourd’hui piégée dans une tarification « à l’usage » qui inclut les compensations scandaleuses versées aux promoteurs de l’intermittent, tandis que l’Allemagne, elle, se prépare à augmenter fortement ses importations de gaz, notamment algérien.

J’accuse la passivité française vertigineuse qui fait qu’un site industriel tricolore paie 70 à 110 €/MWh, soit un surcoût pouvant atteindre 45 millions d’euros par an pour une usine de 500 GWh — quand son concurrent allemand, lui, sera plafonné autour de 25 millions. Mesure-t-on les conséquences dévastatrices de ce silence traître ? J’accuse la capitulation qui condamne nos aciéries, nos chimistes, notre aluminium, nos data centers, nos électro intensifs — et, avec eux, notre souveraineté économique.


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J’accuse les gouvernements successifs d’avoir saboté nos atouts stratégiques : fermeture de Superphénix, abandon d’Astrid, fermeture de Fessenheim, ARENH bradé, accumulation d’énergies intermittentes non pilotables, PPE successives fragilisant le nucléaire. Et aujourd’hui encore : refus obstiné de sortir d’un mécanisme européen dont l’Espagne et le Portugal se sont affranchis en quelques semaines pendant la crise du gaz. Quitter ce mécanisme n’est pas impossible. C’est une décision politique. J’accuse ceux qui ont préféré les chèques énergie électoralistes à une baisse structurelle du prix. Le populisme plutôt que l’action gaullienne. J’accuse ceux qui ont acheté la paix sociale au prix de l’effondrement industriel. J’accuse ceux qui ont ajouté au handicap européen des taxes nationales délirantes : accise, TURPE, contributions multiples, surtaxes votées en 2023, 2024 et 2025 — comme s’il fallait enfoncer le clou dans le cercueil industriel français.

J’accuse la France d’avoir été roulée dans la farine en tolérant un système de fixation des prix conçu à Bruxelles, qui impose à tout le continent le coût marginal le plus élevé — souvent celui du gaz — alors même que notre parc nucléaire aurait dû garantir à la France une électricité bon marché.

J’accuse l’État écologique de pacotille qui, en sacrifiant le nucléaire sous pression idéologique et diplomatique allemande, a doublé nos factures d’électricité. Et voilà maintenant que l’Allemagne, après avoir coulé son propre système, protège son industrie — tandis que la France laisse la sienne s’effondrer. Rarement des élites tricolores auront été aussi radicalement hostiles à la France. J’accuse les fourbes qui trouvent cela normal et donc consentent lâchement. J’accuse la France d’avoir été roulée dans la farine en tolérant un système de fixation des prix conçu à Bruxelles, qui impose à tout le continent le coût marginal le plus élevé — souvent celui du gaz — alors même que notre parc nucléaire aurait dû garantir à la France une électricité bon marché.

J’accuse la technocratie européenne d’avoir validé, sous couvert d’un « cadre temporaire de crise », des aides d’État massives que seuls les pays riches peuvent financer — détruisant ainsi le principe même d’un marché unique équitable. J’accuse la Commission, qui savait. J’accuse les commissaires français, qui se sont tus. J’accuse nos députés européens d’avoir voté des dispositifs irréalistes, régressifs et socialement explosifs — ZFE, DPE, CSPE, normes absurdes — tout en laissant passer les aides d’État allemandes les plus massives depuis dix ans. J’accuse d’incompétence ceux qui n’ont pas perçu que les notifications allemandes à la DG COMP — en 2023, 2024, puis avec le Strompreispaket — constituaient un contournement officiel, public et assumé du marché européen de l’électricité.

«Face à la Chine, l’industrie française doit retirer les chaînes qu’elle traîne aux pieds»

La France n’a pas été surprise. Elle a été naïve, incohérente, soumise. Et la naïveté porte ici un autre nom : abandon de souveraineté. J’accuse enfin l’État français de s’apprêter à signer la PPE3 sous pression de lobbies, sans tenir compte des nouvelles règles du jeu : celles où l’Allemagne protège, subventionne, amortit ; et où la France taxe, frustre, renchérit. Il ne s’agit plus d’écologie. Il s’agit de survie économique. Il s’agit de nation. Alors nous en appelons solennellement au gouvernement français : sortez la France du système européen de fixation du prix de l’électricité. Décidez un prix souverain conforme à notre parc de production.

Appliquez sans délai la #PPEdesGueux, ce programme cohérent, salvateur dans la déroute, qui permet une baisse de 25% des factures d’électricité de notre peuple en respectant quatre principes : sortir illico du carcan germano-européen, arrêt total des subventions aux énergies intermittentes, révision des contrats existants (ça suffit le pillage officiel), priorité au nucléaire et à l’hydraulique. Protégez les vôtres comme les Allemands protègent les leurs. Ou acceptez d’assumer, devant l’Histoire, une trahison radicale de l’intérêt national.