Par
Thomas Bernard
Publié le
18 nov. 2025 à 18h53
Marqué par un passé maraîcher le quartier du Vieux Doulon est en pleine mutation. Au 20 boulevard de la Louetrie, le quartier historique de l’est de Nantes, va bientôt accueillir une boulangerie pas comme les autres. Facettes, c’est le nom de cette boulangerie coopérative, portée par Tiphaine et Mathilde.
Dans un labo de production de 40m2, les deux boulangères cuiront leurs produits à l’aide d’un four solaire. Un local en ossature bois fabriqué par le charpentier Relief sur le site Min de rien, sur l’île de Nantes. Le futur outil de travail sera déménagé en intégralité sur le site de la ferme de Doulon.
Une démarche originale pour deux artisanes déterminées à promouvoir « le bien manger, l’écologie et le partage ». En attendant l’arrivée du local, prévue le 5 décembre, Tiphaine et Mathilde ont présenté les contours de leur boulangerie solaire.
Reconversions
Avant de mettre la main à la pâte, Mathilde et Tiphaine avaient embrassé une autre voie professionnelle.
Mathilde a été ingénieure dans l’urbanisme pendant douze ans tandis que Tiphaine a obtenu un DUT en gestion des entreprises. Les deux Nantaises d’adoption se reconvertissent dans le monde artisanal et s’orientent vers la boulangerie.
Mathilde a l’envie d’entreprendre dans la gastronomie et veut « constater le fruit de son travail ». « Je suis arrivée en immersion chez NeoLoco, des copains qui sont les premiers boulangers solaires en Europe », se remémore la Niortaise de 36 ans. Intriguée par le four solaire, Mathilde poursuit son apprentissage sur son nouveau métier en suivant une formation au sein de l’atelier Malice, proposée par la Minoterie Suire, située à Boussay.
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Fin 2023, Mathilde et Tiphaine se rencontrent à la boulangerie nantaise Marguerite. « J’ai rencontré Mathilde pendant son stage, je l’ai un peu formée. J’ai toujours gardé contact avec Mathilde qui avait déjà ce projet-là de Facettes », confie Tiphaine, originaire de Metz où elle a obtenu son CAP en 2022.
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Un soir, en janvier 2025, au gré d’un dîner, Tiphaine annonce à Mathilde son départ de chez Marguerite. Les deux anciennes collègues se mettent d’accord pour participer ensemble à l’aventure Facettes.
Du pain bio cuit au soleil
Depuis plusieurs mois, les deux amies construisent leur boulangerie solaire. Cuire son pain avec le soleil tout en étant installé dans la cité des ducs de Bretagne peut sembler très ambitieux, au vu de l’ensoleillement du ciel nantais.
Pour leur projet, les deux boulangères s’inspirent du modèle proposé par NeoLoco, en Normandie, un territoire pas forcément reconnu pour ses rayons de soleil. Pour ce faire, la boulangerie doulonnaise n’utilisera pas de panneaux photovoltaïques.
« Ce sont 5m² de miroirs qui se rejoignent en un point focal qui chauffent une enceinte qui est le four. On concentre l’énergie thermique », décrit Tiphaine.
« On fonctionne avec de la low-tech, c’est très intuitif. On oriente les miroirs vers le soleil », ajoute Mathilde.
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Pas besoin d’avoir des températures estivales, une ombre portée suffit pour produire, notamment les biscuits. Si la température est insuffisante pour le pain et les brioches, les Nantaises disposent également d’un four au bois.
Une autre façon de consommer et produire
La boulangerie solaire confectionnera des produits bio et au levain. Un engagement correspondant aux valeurs prônées par Mathilde et Tiphaine.
On ne se voyait pas proposer des produits que nous-mêmes ne consommerions pas. Ce n’est pas possible de manger des additifs. Il y a un moment où il faut être respectueux du client. On peut faire du pain juste avec de l’eau, du sel, de la farine, pourquoi on rajouterait d’autres choses ?
Mathilde
Biscuits sucrés, salés, pain bio au levain, pain complet, pain moulé, brioches et gâches seront proposés. Il n’y aura pas de baguette, de croissant ni de pain au chocolat. « On va proposer des produits en format familial. On aura une gamme de biscuits, viennoiseries ou encore des crackers », énumère Mathilde.
Avec leur projet Facettes, Tiphaine et Mathilde veulent concilier vie professionnelle et vie personnelle, un équilibre souvent difficile à trouver dans les métiers de l’artisanat.
Ce qui compte beaucoup, c’est d’avoir un équilibre pro-perso respecté. Le fait de ne pas travailler le week-end et la nuit, c’est hyper important. Après, il faut trimmer (sic) le reste du temps pour qu’on ait un chiffre d’affaires suffisant pour se dégager deux salaires. Ce qui est important pour nous, c’est d’avoir suffisamment d’énergie quand on travaille pour que ce soit de bonne qualité.
Mathilde
Les pains seront produits les lundis et jeudis, puis cuits et livrés les mardis et vendredis. Elles ne travailleront pas le week-end ni se lèveront à « 3 h du matin ». Un agenda pour inciter les clients à consommer de « manière plus responsable » avec un pain qui peut être conservé sur « une semaine ou dix jours ».
« On peut faire des pains qui se conservent sur une semaine, dix jours sans problème. Quand on achète un pain, il nous dure plusieurs jours. Et le levain apporte plus de qualités gustatives et nutritionnelles », commente Mathilde.
Au niveau économique, la future boulangerie du Vieux Doulon est une société coopérative de production (Scop), une société dont les salariés sont les actionnaires majoritaires.
Afin de se « dégager un salaire », Mathilde et Tiphaine visent la fabrication de 350 à 380 pains par jour de production.
Livraisons à vélo
À partir du 19 décembre 2025, les premiers pains de chez Facettes seront vendus lors du marché de la ferme Alouette Rit, dans le quartier Doulon. Les produits seront à retrouver dans des points de collecte les mardis et vendredis.
Il sera bientôt possible de commander les pains sur le site internet de la boulangerie (facettesboulangeriesolaire.fr), pas encore en fonction. Pour les particuliers, les produits pourront être récupérés le vendredi soir au sein de la Petite Cure, café associatif dans le quartier Doulon.
Les salariés pourront bénéficier d’un système de livraison sur le lieu de travail.
Tiphaine et Mathilde feront leur livraison à l’aide d’un vélo-cargo pouvant contenir jusqu’à 150 kg de pains. « L’idée, c’est de rester dans les trois kilomètres, pour pouvoir livrer à temps », précise Mathilde. Pour des livraisons plus lointaines, Mathilde et Tiphaine sont en train de discuter avec des coursiers à vélo.
Une arrivée attendue par les habitants du quartier, dont certains ont participé à la cagnotte participative en ligne qui a permis de récolter plus de 10 000 euros.
Gestion administrative, logistique, définition des fournisseurs ou communication les têtes pensantes de Facettes ont encore du pain sur la planche avant les premières cuissons.
« On a hâte de sortir nos premières fournées avec nos fours », conclut Tiphaine avec le sourire.
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