Si elle est versée un jour, cette indemnisation permettra de reconstruire une partie du pays en suivant une logique de développement durable. L’Ukraine deviendra ainsi le premier pays à demander des dommages-intérêts pour les conséquences climatiques causées par un conflit.
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Nous, en Ukraine, subissons directement la brutalité, mais les ondes de choc climatiques de cette agression se feront sentir bien au-delà de nos frontières et dans l’avenir
« À bien des égards, la Russie mène une guerre sale et notre climat en est également victime, a déclaré Pavlo Kartashov, vice-ministre ukrainien de l’Économie, de l’Environnement et de l’Agriculture. Les quantités massives de carburant brûlé, les forêts incendiées, les bâtiments détruits, le béton et l’acier utilisés, tout cela […] a un coût climatique considérable. Nous, en Ukraine, subissons directement la brutalité, mais les ondes de choc climatiques de cette agression se feront sentir bien au-delà de nos frontières et dans l’avenir. »
Paris s’engage à « régénérer l’armée ukrainienne »Les dommages recensés via le Conseil de l’Europe
Concrètement, la demande sera soumise début 2026 au Registre des dommages pour l’Ukraine (RD4U), créé en mai 2023 par le Conseil de l’Europe pour indemniser les victimes des dommages de guerre. Ce sont les citoyens ukrainiens eux-mêmes qui s’y enregistrent numériquement lorsqu’ils subissent un dommage en raison de l’invasion russe.
« Pour saisir le registre, il ne faut pas forcément être victime d’un crime de guerre, mais d’un dommage de guerre », explique Nicolas Ligneul. Avocat à la Cour d’appel de Paris et maître de conférences à l’Université Paris-Est Créteil, celui-ci fait partie de la liste des conseils et des représentants de victimes en Ukraine à la Cour pénale internationale (CPI).
À l’instar de ses citoyens, l’État ukrainien va donc saisir le registre pour les dommages de guerre qu’il subit dans le domaine environnemental. Et demander une indemnisation à ce titre à la Russie, car le délit est une conséquence de l’invasion à grande échelle du pays, relevant donc de la responsabilité étatique – et non individuelle comme c’est le cas pour les crimes de guerre.
Déminer l’Ukraine, une tâche « immense » mais nécessaire pour les futures générationsDégel des avoirs russes ?
Une question reste néanmoins en suspens : où trouver les milliards d’euros nécessaires à l’indemnisation de ce dommage environnemental ? Nicolas Ligneul évoque l’épineux sujet des avoirs russes conservés sur le territoire de l’Union européenne. « Qu’est-ce qu’on en fait ? Aujourd’hui, les règlements prévoient juste leur gel. On a besoin d’une décision de justice qui autorise la saisie des avoirs pour indemniser le dommage subi. Pour le moment, RD4U ne permet pas de faire ça. »
Il s’agit avant tout d’une décision politique, mais qui suppose d’établir la responsabilité de l’État russe dans le dommage environnemental – responsabilité que pourrait, le cas échéant, reconnaître le Tribunal spécial pour l’agression de l’Ukraine, créé par le Conseil de l’Europe en juin dernier.
Pour l’heure, l’indemnisation de l’Ukraine nécessite en tout cas la création de deux organismes. D’abord, une Commission internationale des demandes d’indemnisation. « À ma connaissance, cette organisation est en cours de constitution depuis quelques mois », souligne l’avocat. Ensuite, un fonds d’indemnisation qui paiera la demande de Kiev. Mais de nouveau, où l’organisation va-t-elle trouver les 38 milliards d’euros ?
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Saisir les avoirs russes aujourd’hui est une nécessité pour indemniser les Ukrainiens
« Le financement des conséquences d’une guerre est un vrai débat, conclut Nicolas Ligneul. On dit que la fin de la Première Guerre mondiale a déclenché la Seconde parce que les dommages de guerre imposés aux Allemands étaient tellement importants qu’ils n’ont pas pu s’en remettre. Le mécanisme de RD4U permettra, si ce n’est d’éviter, au moins de réduire, le syndrome de Versailles. Saisir les avoirs russes aujourd’hui est une nécessité pour indemniser les Ukrainiens. »