La question était sur toutes les lèvres lorsque Volodomyr Zelensky et Emmanuel Macron ont annoncé hier l’acquisition de « jusqu’à cent Rafale » par l’Ukraine (ainsi que des systèmes de défense aérienne et des drones français): avec quel argent? Selon le Fonds monétaire international, le déficit de l’Ukraine devrait plonger à 56 milliards d’euros en 2026 et 2027.

Et les Européens n’ont guère de solutions à apporter, alerte le New York Times. « Les responsables de l’UE se sont penchés pendant des mois sur un plan visant à utiliser des avoirs russes gelés pour accorder un prêt à l’Ukraine. Il apparaît de plus en plus évident que l’UE ne dispose que de piètres alternatives en cas d’échec », prévient le quotidien américain.

Touche pas au grisbi

« Ce prêt, par lequel l’UE utiliserait les avoirs de la Banque centrale russe en Belgique pour acheminer 140 milliards d’euros (…) vers l’Ukraine, devait être approuvé lors du [Conseil européen] le mois dernier. Contre toute attente, la Belgique l’a bloqué à la dernière minute. » Le plat pays a exigé que l’UE trouve des alternatives et que les États membres se portent garants des prêts, cette dernière proposition ayant suscité l’ire du russophile gouvernement slovaque.

En effet, la société Euroclear, qui gère ces avoirs russes gelés, est basée en Belgique. Le pays redoute donc de se retrouver dans le collimateur de la Russie si elle cherche à récupérer son argent ou porte l’affaire en justice. Dans une récente interview au Monde, Valérie Urbain, directrice générale d’Euroclear, a prévenu qu’elle pourrait poursuivre l’UE en cas de confiscation des avoirs russes gelés, et alerté sur les conséquences d’une telle décision sur le système financier.

« L’une des [alternatives] consisterait à émettre une dette commune de l’UE afin de réunir les fonds nécessaires à l’Ukraine, explique le New York Times. Une autre serait d’accorder des aides directes des États membres à l’Ukraine. Cependant, ces deux solutions présentent des inconvénients. Un emprunt commun serait coûteux, en raison des intérêts, et les aides directes pèseraient lourdement sur les budgets de pays déjà endettés. »

Rendre l’argent

A l’inverse, un prêt garanti par les avoirs russes confisqués aurait plusieurs atouts: il permettrait à l’Ukraine d’emprunter à taux zéro et de rembourser uniquement si la Russie acceptait de verser des réparations, et garantirait à Kyiv l’accès à des fonds considérables pour tenter de gagner la guerre. Envoyant au passage un signal fort à la population ukrainienne, à Poutine et au monde.

« Non seulement les alternatives seraient plus éprouvantes financièrement, mais elles n’impliqueraient probablement que des flux de trésorerie plus faibles et plus progressifs vers l’Ukraine », constate le quotidien américain. « Cela renforcerait la perception, chez Poutine, que le temps joue en sa faveur », prévient Mujtaba Rahman, directeur général pour l’Europe du cabinet de conseil en risques politiques Eurasia Group.

La situation est compliquée par la fragilité du gouvernement belge (ce n’est pas en France qu’on verrait ça), qui risque de ne pas passer l’hiver, et l’obstruction des prorusses européens comme le Premier ministre slovaque Robert Fico. Une lueur d’espoir scintille toutefois en Norvège: bien que non-membre de l’UE, le pays nordique accepterait de garantir les prêts à l’Ukraine à condition que d’autres se joignent à lui. Ce n’est pas le moment de flancher.