par David Morgan et Nolan D. McCaskill

Le Congrès
américain, où les pairs républicains de Donald Trump sont
majoritaires, a voté quasiment à l’unanimité mardi une mesure
destinée à contraindre le département de la Justice à publier
des documents liés à Jeffrey Epstein, retrouvé pendu en prison
en 2019 avant son procès pour trafic sexuel de mineures.

Deux jours après que Donald Trump a effectué une volte-face
en annonçant être favorable à la publication du dossier
judiciaire de Jeffrey Epstein, avec lequel le président
américain a dit avoir été amis avant de prendre ses distances
sans rien savoir des crimes attribués au défunt financier, la
Chambre des représentants a approuvé la mesure avec 427 voix
contre une.

Transmis alors au Sénat, le texte exigeant la publication de
l’ensemble des documents déclassifiés du département de la
Justice concernant Jeffrey Epstein a été rapidement adopté par
la chambre haute, à l’unanimité.

Il appartient désormais à Donald Trump de promulguer la
mesure.

Rendre public ou non le « dossier Epstein » est une question
qui a engendré des divisions dans les rangs républicains,
entraînant même une rupture entre Donald Trump et certains des
plus fidèles représentants du mouvement MAGA (« Make America
Great Again »).

Peu avant le vote à la Chambre des représentants, une
dizaine de victimes d’abus sexuels présumés commis par Jeffrey
Epstein ont pris part à une conférence de presse devant le
Capitole, en compagnie d’élus républicains et démocrates, pour
exhorter le Congrès à exiger la publication du dossier.

Pour Donald Trump, l’affaire constitue depuis son retour au
pouvoir en janvier dernier l’un des rares points de discorde
avec ses partisans, lesquels sont convaincus de longue date que
l’establishment veut garder secrets les liens entretenus par
Jeffrey Epstein avec un éventail de personnalités influentes.

Après avoir promis durant la campagne électorale de rendre
public le dossier judiciaire de Jeffrey Epstein, répondant à une
demande de nombre de ses soutiens, le président républicain
s’est opposé à une telle démarche, dénonçant une « supercherie »
des démocrates destinée à jeter une ombre sur ses réussites.

TRUMP IRRITÉ PAR L’AFFAIRE

Un sondage Reuters/Ipsos réalisé en octobre montre que seuls
quatre électeurs républicains sur dix ont dit approuver la
gestion par Donald Trump de cette affaire, tandis que neuf sur
dix saluaient son action présidentielle dans son ensemble.

En dépit de son changement de position à propos du vote au
Congrès, le président américain demeure irrité par l’attention
portée à l’affaire Epstein.

Interrogé mardi par des journalistes lors de la visite du
prince héritier Mohammed ben Salman à la Maison blanche, Donald
Trump a qualifié de « personne horrible » une journaliste ayant
posé une question sur cette affaire, appelant à retirer la
licence de diffusion de la chaîne de télévision qui l’emploie.

« Je n’ai rien à voir avec Jeffrey Epstein », a dit Donald
Trump devant la presse. « Je l’ai mis dehors de mon club il y a
de nombreuses années parce que je pensais que c’était un pervers
malade », a-t-il ajouté.

Parmi les plus virulentes représentantes du mouvement MAGA,
l’élue républicaine Marjorie Taylor Greene est tombée en
disgrâce auprès de Donald Trump pour avoir régulièrement exprimé
sa colère que le département de la Justice ne communique pas
davantage d’éléments à propos de Jeffrey Epstein.

Les démocrates ont fait part de longue date de leur volonté
que le dossier Epstein soit publié.

Un doute demeure sur l’ampleur des documents qui pourraient
être rendus publics, le projet de résolution de la Chambre
autorisant le département de la Justice à garder secrets des
éléments d’enquête.

L’élu républicain Thomas Massie, à l’origine d’une pétition
ayant recueilli suffisamment de soutiens pour contraindre à la
tenue d’un vote à la Chambre des représentants sur la
publication du dossier Epstein, a accusé le département de la
Justice de « protéger des pédophiles et des trafiquants sexuels ».

« Comment saurons-nous que ce texte aura été un succès ? »,
a-t-il déclaré mardi à la Chambre avant le vote. « Quand des
hommes, des hommes riches, seront menottés et transportés en
prison. Tant que cela n’aura pas lieu, c’est que l’affaire est
étouffée ».

(David Morgan et Nolan McCaskill, avec la contribution de
Jonathan Allen à New York, Richard Cowan, Bo Erickson et
Katharine Jacksonà Washington; version française Jean Terzian)