Un site de traitement de biodéchets génère des nuisances olfactives insupportables pour les voisins. La préfecture vient de publier un arrêté de mise en demeure à l’encontre de la plateforme, laissant présager sa probable fermeture.
Depuis le 1er janvier 2023, ils ont comptabilisé 262 jours de nuisances olfactives. Dans l’agglomération de Nantes, des habitants regroupés en collectif n’ont jamais rien lâché. En 2022, une plateforme de compostage de biodéchets a vu le jour à 50 mètres des plus proches d’entre eux. Sur le papier, l’objectif de Terra Ter est louable. L’idée est de valoriser les déchets alimentaires en compost pour les agriculteurs alentour.
Malheureusement, des effluves nauséabonds, comparables à une odeur d’œuf pourri, n’ont de cesse de s’en dégager depuis plus de trois ans. Et ce, alors même que les initiateurs du projet avaient assuré qu’il n’y aurait pas de nuisance olfactive. Bien qu’en baisse ces derniers temps, celles-ci affectent le quotidien des voisins. Au point de ne pas pouvoir déjeuner dehors ; de récupérer sur le fil à linge des habits sentant le purin ; voire pour l’un d’entre eux de devoir quitter sa maison l’été pour respirer un air plus frais.
Mise en demeure difficile à contourner
Dans ce contexte, le collectif Ça Respire à la Chapelle a vite pris de l’ampleur. Devenue une association, sa mission a toujours été la même : faire déplacer le site loin des habitations. À force de rendez-vous et de vérifications, les membres très actifs ont soulevé des incohérences. Ils ont obtenu des évolutions dont une, la semaine dernière, qui pourrait s’avérer majeure. Le 13 novembre, la préfecture a pris un arrêté de mise en demeure à l’encontre de la Terra Ter. La mesure découle d’une inspection survenue le 2 octobre. Ce rebondissement laisse présager un départ de la plateforme gérée par deux coopératives.
Aujourd’hui, Terra Compost s’occupe de collecter des déchets alimentaires dans les entreprises et collectivités. Une fois recueillis, ceux-ci sont déposés sur la plateforme de La Chapelle-sur-Erdre. Là, ils sont mélangés à des déchets verts broyés dont la gestion est assurée par la SCIC Nord Nantes. Cette mixture est ensuite déposée dans un champ pour maturer avant d’être redistribuée à des agriculteurs locaux. Or, dans l’arrêté préfectoral, il est notamment notifié «l’arrêt définitif des opérations de compostage sur des parcelles agricoles» sous neuf mois. Cela est motivé par les plaintes des riverains mais également un «risque sanitaire non maîtrisé de propagation de maladies animales contagieuses dans l’environnement». Un risque de «pollution des eaux par des nitrates d’origine agricole» y est aussi mentionné.
«Ce n’est pas la toute fin du feuilleton, mais il y a peu de chances qu’ils puissent déroger à ça», constate Jean Iemmolo, président du collectif Ça respire à la Chapelle. «Ils ont deux mois pour faire un recours, mais vu les conditions imposées par la préfecture, ça semble irréaliste», analyse-t-il. «On risque d’enclencher tous les recours possibles», tempère Étienne Pineau, le directeur de Terra Compost, sollicité par Le Figaro. «Ce qui n’empêche pas de chercher un autre site», précise-t-il d’emblée. Déjà,, il y a quelques mois, une parcelle à proximité avait été identifiée. La transaction avait échoué car le site était en passe de devenir une zone Natura 2000. Le temps d’études aurait engendré des délais bien trop longs.
Des recours en justice
«On a toujours dit que le site était mal positionné, mais par contre on trouve que ça a du sens de composter en bout de champs», indique-t-il, pour justifier le recours. À terme, la philosophie serait de laisser maturer le compost directement chez les agriculteurs bénéficiaires après l’avoir préparé et hygiénisé sur une plateforme. En effet, Terra Ter a vocation à essaimer aux quatre coins de la métropole… mais plus loin des habitations. «On a survendu une plateforme sans odeurs et sans bruit aux riverains. Mais dans les faits, une plateforme comme ça génère forcément des odeurs», souligne Étienne Pineau, arrivé en cours de route sur le projet, en 2023.
En juin dernier, un arrêté de mise en demeure a également été pris pour le broyage des déchets verts, trop bruyant. Les camions continuent d’acheminer les végétaux sur place mais les détritus sont broyés dans un champ plus éloigné. «On a fait un gros pas en avant», se réjouit Jean Iemmolo, au nom de l’association des habitants. «On a enfin une reconnaissance des autorités de la gêne qui a été créée. Je pense qu’on n’est pas loin du but», songe le retraité. Il déplore tout de même le temps que cela a nécessité. «On avait convenu d’aider l’exploitant à progresser, de lui dire où ça sentait, pour lui permettre de s’améliorer. Trois ans plus tard, on avait toujours des odeurs. Nous ne sommes pas payés pour dire quoi faire à l’entreprise», tance le bénévole. D’autant que le collectif qui englobe plus de 200 personnes a aussi mis la main au portefeuille. Deux recours en justice sont en cours. Ils pourraient être abandonnés si la plateforme quitte vraiment le lieu.