Les faits sont prescrits mais la détermination, elle, reste intacte. Sandy et Mathilde sont à la recherche d’autres victimes d’un médecin généraliste de Loroux-Bottereau (Loire-Atlantique), près de Nantes. Grâce à un collectif crée sur Facebook mi-octobre, les deux femmes, âgées respectivement de 46 et 52 ans, ont déjà récolté 32 témoignages. Tous font état d’agressions sexuelles ou de viols commis lors d’une consultation et de la difficulté de dénoncer des faits commis par une personne du corps médical.

Pourtant en 2004, Mathilde et Sandy ont toutes les deux signalé le praticien à l’Ordre des médecins de Loire-Atlantique. « J’ai été convoquée devant plusieurs professionnels, dont mon agresseur, se rappelle Mathilde. On m’a indiqué qu’il avait des pratiques particulières, liées à de nombreuses conférences de sexologie qu’il suivait ». Malgré son signalement, un médecin aurait conseillé à la jeune femme de ne pas porter plainte. Une décision dont Mathilde paye les conséquences aujourd’hui.

Exclues de la procédure

Portée par la vague MeToo, la quarantenaire mesure maintenant l’importance de sa parole : « A l’époque, j’avais conscience d’avoir été victime d’une pénétration non consentie. Mais aujourd’hui, le terme de viol me paraît d’autant plus évident. Si j’avais porté plainte, peut-être qu’une enquête aurait été ouverte. » En 2020, son médecin est pourtant mis en examen pour des raisons similaires. Sandy et Mathilde sont convoquées par la gendarmerie et ont la confirmation qu’elles ne sont pas seules. Mais les faits qu’elles dénoncent sont prescrits et en septembre 2025, le tribunal les informe que pour cette raison, elles ne seront pas tenues informées de l’avancée de la procédure.

« Nous avons eu besoin de monter un collectif pour trouver d’autres victimes et recueillir ensemble leurs histoires », confie Mathilde. A deux, elles répertorient en quelques jours une trentaine de témoignages de mineurs, de femmes et de quelques hommes présumés victimes. « Certaines ont déjà porté plainte, d’autres prennent conscience de ce qui leur est arrivé et se sentent soulagées. » Mathilde repense au témoignage d’une femme, adolescente au moment des faits, dont la mère lui avait affirmé qu’il n’était « pas possible de porter plainte contre un médecin ».

Une profession intouchable ?

C’est toute la difficulté que veulent mettre en évidence les deux fondatrices du collectif. « Nous nous sommes toutes rendues à un rendez-vous dans un état de vulnérabilité, mais surtout en toute confiance », évoque Mathilde. Il y a vingt et un ans, le généraliste lui aurait adressé de force ce qu’il présente comme un « examen gynécologique ». « Il voulait vérifier mon clitoris et mon point G alors que j’avais un problème de rein », dénonce celle qui s’était ouvertement opposée à cette pratique. « Nombreuses sont les victimes qui partent du principe qu’un médecin détient le savoir médical et sont soumises à des agressions », résume-t-elle.

« Etre victime d’agression dans un cabinet, c’est encore quelque chose de méconnu, appuie Mathilde, il est important de dénoncer ces pratiques, que le conseil de l’Ordre agisse tout comme la justice, et vite. » Car malgré les signalements, Mathilde dénonce un cadre dans lequel les victimes ne sont pas protégées. Il y a trois ans, son amie Sandy aurait échangé avec le mis en cause par téléphone alors qu’elle appelait le 15 pour une urgence. « Malgré sa mise en examen en 2020, ce médecin continu d’exercer en téléconsultation et pour le SAMU », dénonce-t-elle.

En Loire-Atlantique, plusieurs médecins ont été accusés de viols et agressions sexuelles en l’espace de quelques années. « Pour que ces personnes commettent des agressions pendant vingt ans, il leur faut des complices pour silencier les victimes », martèle Mathilde, qui ne sait pas encore comment dénoncer le manque de protection et l’absence de réaction de l’Ordre des Médecins du département.

Sandy et Mathilde se tiennent informées de la procédure judiciaire en cours par le biais des autres victimes. Elles espèrent être entendues dans le cadre de l’instruction. Contacté, l’Ordre des médecins n’a pas encore répondu à nos sollicitations.