Il n’y a pas qu’en France qu’une réforme des retraites menace le gouvernement. En Allemagne, l’équipe de Friedrich Merz est fragilisée par des dissensions internes au sein des troupes conservatrices au Bundestag. 18 élus de la Junge Union (JU), l’organisation de jeunes de la CDU/CSU, le parti du chancelier, menacent de ne pas voter le texte de loi encadrant le versement dans le pays des pensions de retraite pour les prochaines années. En cause ? La volonté des sociaux-démocrates du SPD, participants à la coalition au pouvoir, d’étendre au-delà de 2031 le maintien de l’actuel niveau de pension, établi à 48 % du revenu moyen d’un salarié.

Débat interne parmi les conservateurs

Cette mesure est largement critiquée par les jeunes conservateurs, pour qui une telle disposition engendrerait des coûts supplémentaires de plus de 115 milliards d’euros jusqu’à 2040. Une manne qui, selon eux, devrait être « supportée » essentiellement par les actifs et nouveaux venus sur le marché du travail. « C’est tout simplement insoutenable sur le plan fiscal », critique ainsi l’un de leurs représentants, Johannes Volkmann, par ailleurs petit-fils de l’ex-chancelier conservateur Helmut Kohl. A l’opposé de cette évolution défendue par le gouvernement, la Junge Union propose, elle, d’abaisser à 47 % le niveau des pensions des retraites.

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L’opposition de l’organisation de jeunesse à la mesure est loin d’être anecdotique. En effet, Friedrich Merz ne possède au Parlement qu’une marge de manœuvre très réduite pour faire passer ses projets de loi. Avec l’accord de coalition en vigueur, il ne dispose donc que d’une majorité de 12 sièges sur les 630 que compte le Bundestag. Impossible, donc, de se passer des 18 voix des jeunes députés frondeurs, tous âgés de moins de 35 ans. Dans le même temps, le chancelier doit également ménager ses partenaires de centre-gauche, avec qui il a fait alliance pour gouverner. Le ministre des Finances issu du SPD, Lars Klingbeil, a d’ailleurs exprimé sa fermeté sur ce sujet, samedi 15 novembre. « Soyons parfaitement clairs : cette loi ne subira aucune autre modification », a-t-il affirmé. « Elle sera adoptée par le Bundestag. »

Des objectifs mis à mal

Hasard du calendrier, le congrès national de la Junge Union se tenait le week-end dernier à Rust, dans l’ouest du pays. Invité à prendre la parole devant les jeunes conservateurs, Friedrich Merz a campé sur ses positions au sujet de la réforme des retraites. « Croit-on sérieusement que nous pouvons gagner une course au moins-disant social ? Qui propose les pensions les plus basses ? Vous plaisantez ! », a-t-il lancé, passablement agacé par la tournure des événements. Il a demandé aux représentants de la JU de « participer à ce débat de manière constructive ».

Si le chancelier allemand, lui-même autrefois membre de cette structure de jeunesse, se montre aussi incisif, c’est avant tout car le sort de ce plan sur les retraites conditionne l’adoption d’autres réformes structurelles souhaitées par son camp. D’autre part, ces dissensions mettent à mal l’objectif d’unité de ses troupes affiché à son arrivée au pouvoir. Sur cet aspect, Friedrich Merz avait l’ambition de trancher avec le précédent gouvernement d’Olaf Scholz (SPD), miné par les désaccords internes. Or, certains ministres issus de la CDU viennent eux aussi d’émettre des réserves sur la réforme controversée. En charge de l’Education nationale, Karin Prien a par exemple exhorté à reporter le vote de ce texte pour apaiser les tensions.

Propositions irréalistes de l’extrême droite

Outre-Rhin, la problématique des retraites cristallise de plus en plus le débat public. Avec aujourd’hui 21 millions de retraités et un vieillissement de la population de plus en plus avancé, la pérennité du système de pensions questionne. L’âge légal de départ à la retraite s’établit actuellement à 65 ans, mais celui-ci est peu à peu repoussé à 67 ans. Certains experts défendent un allongement supplémentaire pour assurer la survie du système. L’été dernier, la ministre (CDU) de l’Économie, Katherina Reiche, avait plaidé pour relever l’âge de départ à 70 ans minimum. En octobre, un rapport qui lui avait été remis par des économistes planchait, lui, sur le scénario de pousser celui-ci à 73 ans d’ici à 2060.

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Comme relaté par Die Welt, l’extrême droite n’hésite plus à s’emparer du sujet, quitte à promettre des propositions en la matière jugées irréalistes par les économistes. Galvanisée par ses récents résultats électoraux, l’AfD espère par exemple rehausser le niveau des pensions de retraite à environ 70 % du dernier revenu. Au-delà des discussions actuelles, Friedrich Merz s’est pour sa part dit ouvert à revoir l’ensemble des conditions du versement des retraites à partir de 2032 et à le notifier dans la réforme aujourd’hui âprement débattue. « J’espère que nous aurons conclu cette discussion d’ici à la fin de l’année afin de pouvoir aborder l’année 2026 avec une réelle volonté de réforme », a-t-il déclaré lundi à Berlin, selon des propos rapportés par Politico.