Au nouveau magasin Shein, situé au 6e étage du BHV, le jour de son ouverture à Paris, le 5 novembre 2025.

STEPHANE OUZOUNOFF / Hans Lucas via AFP

Au nouveau magasin Shein, situé au 6e étage du BHV, le jour de son ouverture à Paris, le 5 novembre 2025.

Une nouvelle attaque. De la grande distribution à l’habillement en passant par le jouet, les principales fédérations du commerce français portent une action en justice contre Shein pour « concurrence déloyale ». Cette action est qualifiée de « tentative de boycott » par le géant asiatique de l’e-commerce, déjà dans le viseur du gouvernement.

Le modèle de Shein « repose sur le non-respect des réglementations applicables à tous les acteurs implantés en France », justifient dans un communiqué plusieurs organisations sectorielles.

Outre le Conseil du commerce de France (CDCF), s’associent à la démarche les organisations représentant la grande distribution (FCD), l’habillement et les industries textiles (Alliance du commerce, FFPAPF, Ufimh, UIT, Fédération de la maille, de la lingerie et du balnéaire), la bijouterie (BOCI, UBH), le jouet (FCJPE), la franchise (FFF) et la vente en ligne (Fevad).

Par cette action d’« une ampleur inédite », également rejointe par une centaine d’enseignes dont Coopérative U, Promod, Monoprix, Grain de Malice (vêtements) ou encore Besson (chaussures), fédérations et entreprises « affirment leur détermination à rétablir une concurrence loyale fondée sur le respect du droit », selon le communiqué.

« Elles réclament également la reconnaissance du préjudice économique subi » par les commerçants implantés en France et « l’octroi de dommages et intérêts proportionnés à ces pertes ».

Préjudice colossal

« Cette accusation est infondée », a réagi un porte-parole de Shein. « Il est regrettable que ces acteurs privilégient la confrontation judiciaire plutôt qu’un dialogue constructif ». « Cette initiative s’apparente davantage à une tentative de boycott qu’à une démarche juridique sérieuse », a-t-il ajouté.

Elle est portée devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), où ont déjà été assignées les « filiales irlandaises de Shein » pour « concurrence déloyale », dans le cadre de la liquidation judiciaire d’une marque locale de vêtements pour hommes, Olly Gan, a précisé lors d’une visioconférence de presse Cédric Dubucq, l’avocat des fédérations et entreprises concernées.

Ces dernières « interviendront volontairement » lors d’une audience de mise en l’état prévue le 12 janvier à Aix-en-Provence. Il y sera fixé notamment le calendrier de la procédure, dans l’attente d’une audience de plaidoirie, potentiellement « d’ici 12 à 18 mois », selon Me Dubucq.

Le préjudice des entreprises lésées, en cours d’évaluation, pourrait atteindre « plusieurs centaines de millions voire plusieurs milliards d’euros », a-t-il estimé. Et en cas de décision réclamant la « cessation » des comportements illicites de Shein, cela pourrait « conduire » à la « fermeture » de la plateforme, d’après l’avocat. Il a également évoqué la possibilité, nouvellement permise par la loi, pour le procureur de la République, de requérir le paiement d’une « amende civile ».

« Première étape »

Quid des autres plateformes de commerce en ligne ? « Le message que l’on envoie aujourd’hui c’est que l’impunité est terminée », a expliqué Yohann Petiot, le directeur général de l’Alliance du commerce, voyant dans l’assignation de Shein une « première étape ».

De son côté, Shein a promis de « prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre » ses intérêts.

Le front commun du commerce tricolore intervient après plusieurs années « de dérives » de la part de Shein et autres plateformes extra-européennes comme Temu et AliExpress, sur lesquelles les fédérations ont passé « beaucoup de temps à alerter les pouvoirs publics », a rappelé à la presse le président de l’Alliance du commerce, Bernard Cherqui, invoquant « une menace systémique de disparition du commerce en France ».

En juin, le secteur avait demandé au gouvernement le déréférencement des sites de Shein et Temu.

Shein a déjà écopé cette année en France de trois amendes d’un total de 191 millions d’euros pour non-respect de la législation sur les cookies, fausses promotions, informations trompeuses et non-déclaration de microfibres plastiques.