À Toulon, il est pour l’instant le seul minot du cru à avoir découvert le Top 14 cette saison. Après Pierre Damond, Joé Quere-Karaba, Oliver Cowie et compagnie durant les exercices précédents, le pilier Léo Ametlla (prononcer « Améla ») commence, à son tour, à pointer le bout de son nez chez les grands du RCT.

« La saison dernière, j’avais souvent été 24e homme, pointe le gaucher de 21 ans. J’aurais voulu avoir ma chance, mais j’étais encore jeune. Il fallait que je reste proche du groupe, que je travaille, puis, je savais que mon moment viendrait. » Pierre Mignoni, qui avait assuré durant l’été qu’il comptait sur lui, n’avait pas menti. Le natif de Martigues a été aligné à trois reprises en championnat et devrait encore enchaîner dimanche soir, à Paris.

« Sur ma première contre Clermont (le 11 octobre au stade Michelin), j’avais un peu d’appréhension, se rappelle-t-il. Je me posais beaucoup de questions et avais même noté toutes les combinaisons sur un cahier (sourire) ! Au final, c’est passé dès que l’arbitre a sifflé le coup d’envoi, et j’ai été plutôt content de mon match. À la fin, j’ai remercié toute l’équipe, car j’avais été beaucoup aidé toute la semaine. »

Entre OM et pétanque

Presque au même moment, face à la presse, son coach avait, lui, souligné la « très bonne entrée » du jeune joueur qui, huit jours plus tard, allait récidiver. Cette fois, ce serait le Racing 92… à Mayol. « Après le coup de sifflet final, j’avais presque les larmes aux yeux, confie Ametlla. Avant, je venais au stade en tant que spectateur… Je ne sais toujours pas si je réalise. Toute ma famille était présente et j’ai pu partager ça avec elle. Mes parents, eux aussi, sont supporters de Toulon. »

Car bien que l’on soit davantage branché football chez les Ametlla, on est avant tout fier de la Provence et de ses étendards, Rugby club toulonnais compris.

Enfant de Port-Saint-Louis-du-Rhône, petit village coincé entre Arles et l’embouchure du Rhône, le petit Léo a grandi au rythme de l’Olympique de Marseille, de la pétanque et des joutes provençales (lire ci-contre). « Je suis très attaché à cette région. Je sais déjà que j’y finirai ma vie », assure cet aficionado du stade Vélodrome et des parties de boules entre amis.

Dans les pas des Rebbadj

Fils d’un docker et d’une Atsem (1), c’est pourtant dans la marmite ovale qu’il tombe dès ses 5 printemps. « Trop costaud » pour le ballon rond, il suit les copains de l’école et l’exemple de son grand-père en attrapant ses premières gonfles. Et cela devient « immédiatement une passion ».

Crampons chaussés, le minot écume alors les terrains des Bouches-du-Rhône. Licencié au Rugby club Ouest Provence (Fos/Istres) de 2009 à 2013 et à Provence Rugby (Aix) de 2019 à 2022, il porte entre-temps les couleurs de Martigues/Port-de-Bouc, où les frères Rebbadj sont érigés en modèles. « C’est là qu’ils ont démarré. Swan était donc un peu un exemple et, quand je suis arrivé ici, il m’a beaucoup aidé. » Au même titre qu’un certain Jean-Baptiste Gros…

Un « bébé Gros » ?

Car, en s’y penchant de plus près, difficile de ne pas noter des similitudes entre les deux piliers. Nés et élevés « dans le 13 », puis passés par Aix avant d’être lancés dans le grand bain au RCT, ces gauchers, ex-internationaux français des moins de 20 ans, ont beaucoup en commun… Jusqu’à leurs mensurations (1,87 m, 114 kg pour Ametlla, 113 kg pour Gros). « Quand je commençais à monter, “Jibé” m’a un peu pris sous son aile, raconte le cadet. Il m’accompagne beaucoup et j’essaye de m’appuyer sur lui pour m’améliorer. Quand on voit la carrière qu’il a, c’est un exemple. J’aime sa mobilité, et il est aussi très fort sur la mêlée et les fondamentaux. »

Mais l’ex-capitaine des espoirs toulonnais, discret et bosseur, le sait bien : avant d’espérer rattraper son aîné, le chemin est encore long. « Je veux jouer le plus possible, mais je dois encore beaucoup travailler. J’ai vraiment envie de m’imposer ici. C’est mon objectif. » Jusqu’à imaginer faire toute sa carrière à Toulon, au plus près de sa Provence chérie ? « Ça pourrait me convenir, sourit-il. Toulon est le club de mes rêves. Donc, plus j’y reste, mieux c’est… »

1. Agent territorial spécialisé des écoles maternelles.

Ce n’est pas le sport le plus connu mais, dans le Port-Saint-Louis-du-Rhône de son enfance, cela fait figure de tradition. De ses 8 à 16 ans, Léo Ametlla a pratiqué les joutes nautiques provençales avec passion… Et talent. Champion de France de la discipline dans les catégories benjamins et minimes, mais aussi vice-champion chez les cadets, l’actuel avant du Rugby club toulonnais, arrivé dans le Var en 2022, a longtemps été partagé entre le rectangle vert et les petits bateaux.

Ce n’est que lorsque son parcours dans le rugby a commencé à devenir « vraiment sérieux » qu’il a dû lâcher la lance et décrocher le plastron. « J’ai préféré arrêter et ne pas prendre de risques, mais je reste un passionné, explique le Martégal. Toute ma famille en a fait et, l’été, quand j’ai des week-ends libres, j’aime toujours y aller en spectateur. C’est d’ailleurs un sport qui se pratique aussi près de Toulon, comme à Saint-Mandrier. »

Halagahu en complice

Au sein de l’équipe première du RCT, l’intéressé a même trouvé du répondant, avec le deuxième ligne Matthias Halagahu, également ancien jouteur. « L’été dernier, on a fait une initiation avec toute l’équipe. Ça m’avait fait plaisir de remonter avec Matthias car, d’habitude, je reste sur le quai. »

Dans le passé, au-delà du plaisir procuré, la joute provençale a également eu le mérite d’inculquer quelques attitudes au jeune Ametlla : « Il y a d’abord l’esprit de compétition. Je suis très mauvais perdant donc j’ai toujours cette envie de gagner. Et puis aussi sur l’équilibre, car je joue à un poste où c’est important d’être fort sur ses appuis. »

C’était déjà ça de pris, avant de se frotter aux impitoyables joutes du Top 14.