Bien qu’elle possède des réserves d’eau douce parmi les plus importantes au monde, la Russie est manifestement incapable d’assurer un accès à l’eau potable pour ses propres habitants. 11% des Russes en sont privés, un chiffre qui atteint 22,1% dans les zones rurales. Le programme fédéral « eau propre », qui a coûté 2 milliards d’euros, n’y a pas changé grand chose, raconte le média financé par les États-Unis Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL).

« Nous avons écrit aux députés et au gouverneur. La situation est absurde : le lac Baïkal est à 300 mètres et nous n’avons pas d’eau potable, dénonce un habitant du village de Boyarsky, en république de Bouriatie (Sibérie orientale). Un puits a été réparé, mais (…) il sera bientôt contaminé par des moisissures ou autre chose. De toute façon, c’est très contraignant. Les retraités doivent faire tout le trajet jusqu’au lac Baïkal pour s’y approvisionner en eau. »

Eau et empoisonnement

Le village dispose ne dispose pas d’un réseau d’eau potable, mais de deux pompes (une dans chaque rue) et de deux puits, l’un vieux de trente ans et l’autre creusé en 2017. Tous deux ont été contaminés par la fonte des neiges et la remontée des eaux souterraines. Les puits ont ensuite été nettoyés (sommairement) et l’une des pompes, tombée en panne, a été réparée, mais cela n’a pas résolu le problème de l’accès à l’eau potable à Boyarsky.

« L’eau de la pompe est encore majoritairement [d’origine] industrielle, explique un habitant de Boyarskoye. On a peur de la boire, même si on est reconnaissants de l’avoir. Le problème, c’est que les pompes peuvent geler par temps froid. Alors, on retourne au lac Baïkal. Et le lac Baïkal gèle aussi en hiver. [Quant au] puits qui a été réparé (…), il est toujours inutilisable car la nappe phréatique va remonter. Apparemment, il a tout simplement été mal construit. »

Pollution des sources

De nombreux autres villages de Bouriatie subissent une situation similaire : seuls 51% des citoyens de la république disposent d’un accès à l’eau potable courante. Avant 2024, 2 000 habitants du sud-est de Kabansk devaient se rendre dans une autre partie du village pour s’approvisionner. À l’échelle de la Russie, ce sont 16 millions de personnes qui rencontrent des difficultés d’accès à l’eau, soit 11% de la population de 146 millions d’habitants. Et ce chiffre n’a fait qu’augmenter.

« Des experts de la Coalition pour le développement durable du pays (KURS) (…) estiment que cette tendance négative s’explique par plusieurs facteurs : la dégradation des réseaux [d’eau], la pollution des rivières, l’augmentation des inondations et le contrôle insuffisant de la qualité des eaux de source, souvent contaminées », explique RFE/RL.

En raison du dérèglement climatique, les inondations plus fréquentes transfèrent les polluants de surface dans les sources. Elles sont également dégradées par les eaux usées non traitées, les fosses septiques ainsi que les déchets agricoles et industriels. Une situation peu enviable dont le Kremlin, entièrement focalisé sur sa tentative d’assujettir l’Ukraine, semble très bien s’accommoder.