Une violente altercation, des menaces de mort indirectes et depuis, un arrêt maladie qui s’étire depuis plusieurs semaines. Le 10 octobre, le directeur et enseignant de l’école Clôteaux, dans le sud de Rennes, est invectivé par le père d’une élève qui ne veut pas que sa fille soit encadrée par un homme.

Le directeur refuse de changer l’élève de classe, au nom des règles de l’établissement et du respect des valeurs de la République. Immédiatement, celui-ci subit «de graves menaces, accompagnées de propos relevant de l’outrage sexiste, de la diffamation et du mépris», écrivent des membres de l’équipe éducative dans un communiqué transmis à Libération.

«Tout cela parce que cette famille refuse que les hommes puissent accomplir les mêmes tâches que les femmes dans une école maternelle. L’école devait donc accepter de changer l’enfant de classe pour bénéficier d’un encadrement uniquement féminin», déplorent les enseignants de cette petite école d’une centaine d’élèves.

Fabrice Lerestif, secrétaire général Force ouvrière d’Ille-et-Vilaine, contacté par Libération, ajoute que le père de famille a évoqué des raisons personnelles lors de cet échange houleux, «sans jamais évoquer quelconque motif religieux». «En l’occurrence, ce n’est pas un motif religieux», a abondé ce jeudi le ministre de l’Education, Edouard Geffray, en marge d’un déplacement dans une école de Villeurbanne (Rhône). «L’école, ce n’est pas le supermarché des revendications individuelles. […] Une demande de cette nature n’a pas sa place à l’école», a-t-il également ajouté.

Fabrice Lerestif, qui rappelle que «l’école n’est pas en libre-service», indique que le directeur, en «état de choc», est depuis l’altercation en arrêt maladie. Ce dernier a par ailleurs porté plainte contre le père de famille. Les motifs ne sont pas encore connus.

Pourquoi avoir gardé sous silence cette information pendant plusieurs semaines ? Selon le secrétaire général FO du département, «il y a eu une lente maturation dans l’équipe éducative jusqu’à aujourd’hui», pour «savoir quelle posture adopter, pour ne surtout pas tomber dans la récupération politique». Interrogé par Ouest France, un représentant de parents d’élèves, déclare pour sa part avoir «été mis au courant rapidement de la situation», mais avoir été contraint par l’équipe de direction de rester «discret» dans un premier temps, «notamment le temps de recevoir une réponse de l’académie».

Le rectorat de Rennes explique, lui, que «la situation est connue et fait l’objet d’un suivi attentif et continu par les services académiques depuis son signalement en octobre». «La famille a été immédiatement convoquée afin de procéder à un rappel du cadre légal» et «a reconnu avoir eu des propos menaçants». Le rectorat a par ailleurs déposé plainte et effectué un signalement à la justice. Sollicité par Libération au sujet de cette plainte, le parquet de Rennes n’a, à l’heure actuelle, pas répondu.

Dans son communiqué, l’équipe éducative de l’école maternelle estime enfin que «le lien de confiance avec cette famille est rompu» et exige que l’enfant soit scolarisée dans un autre établissement. Après un premier rassemblement organisé mercredi 19 novembre, l’école maternelle sera en grève vendredi afin d’alerter sa «hiérarchie», marquer son soutien au directeur «qui traverse des moments difficiles» et «pour alerter notre institution sur la nécessité de protéger efficacement ses personnels». Un appel à la grève qui sera largement repris par d’autres établissements de la région, détaille Fabrice Lerestif.