Trois ans sont passés et la justice européenne n’a pas encore abouti à des réponses satisfaisantes en ce qui concerne les responsables des sabotages des gazoducs Nord Stream 1 et 2, en mer Baltique. Tandis que l’enquête a été suspendue par la Suède et le Danemark pour «manque de preuves», la justice allemande a continué ses investigations. Les juges de Berlin ont enquêté sur une implication directe de l’Ukraine, notamment de hauts fonctionnaires qui auraient placé des explosifs sur les gazoducs près de l’île danoise de Bornholm, en septembre 2022. Selon le Wall Street Journal, Zelensky aurait validé le sabotage. Pour être plus précis : le président ukrainien aurait approuvé le plan puis tenté de l’annuler, sans succès. L’intéressé a nié toute implication, en pointant le doigt vers les envahisseurs russes.

Selon Berlin, une équipe de six personnes serait impliquée dans le sabotage des pipelines qui fournissait directement du gaz russe à l’Allemagne. Un des six saboteurs serait Serhii Kuznietsov, 49 ans, citoyen ukrainien pour lequel un mandat d’arrêt européen a été émis par l’Allemagne. L’Italie avait arrêté l’homme à Rimini le 21 août, et le retient depuis dans une prison de haute sécurité. Avant de partir en vacances en Italie, Kuznietsov vivait en Pologne, mais Varsovie a ignoré la demande d’arrestation formulée par Berlin. La Cour de cassation italienne a autorisé, ce mercredi 19 novembre, son extradition vers l’Allemagne. Il sera livré à la justice allemande dans les prochains jours, et risque jusqu’à quinze ans de prison si son implication dans l’affaire était confirmée.

L’affaire Kuznietsov est passée d’une cour de justice à une autre, de Bologne à Rome et vice-versa. En septembre, la Cour d’appel de Bologne a validé l’extradition de l’Ukrainien. Son avocat, Nicola Canestrini, avait alors déposé un recours devant la Cour de cassation italienne qui, le 15 octobre, a bloqué le processus, estimant que la qualification des faits en «actes de terrorisme», retenue par les juges de Bologne, était contraire à la loi, car le mandat d’arrêt émis par Berlin ne parlait que de «sabotage». L’affaire est revenue de nouveau à la cour d’appel de Bologne, qui a réaffirmé son précédent choix. Après un deuxième renvoi à la Cour de cassation, celle-ci a rejeté le recours présenté par l’avocat, donnant ainsi son feu vert définitif pour l’extradition.

«Aussi grande que soit ma déception, je suis certain que le procès sur le fond qui se tiendra en Allemagne conduira à son acquittement», a déclaré Nicolas Canestrini. La Bundespolizei prendra en charge l’Ukrainien pour le transférer sur le territoire allemand. Serhii Kuznietsov continue de nier les faits et assure qu’il était présent en Ukraine au moment des faits, en tant que commandant de l’armée.

Presque en même temps, la Pologne avait interpellé un autre citoyen ukrainien suspecté d’avoir participé au sabotage, Volodymyr Zurawlow. Le 26 septembre, suite à la demande des juges allemands, un tribunal de Varsovie avait refusé de l’extrader : «La demande [des autorités allemandes] visant à obtenir l’extradition ne mérite pas d’être prise en considération. L’État polonais n’est pas intéressé par la poursuite d’individus qui agissent contre la Russie», avait justifié le juge. La Pologne, dont les gouvernements successifs ont été de fervents défenseurs de l’Ukraine face à l’invasion russe, s’est toujours opposée aux gazoducs. «Si l’Ukraine et ses forces spéciales ont effectivement lancé une mission armée pour détruire les pipelines de l’ennemi, on ne peut pas qualifier ces activités d’illégales. Elles étaient fondées, rationnelles et justes», a conclu le magistrat. Donald Tusk, le Premier ministre polonais, a abondé dans ce sens en déclarant, début octobre : «Le problème de l’Europe, le problème de l’Ukraine, le problème de la Lituanie et de la Pologne n’est pas que Nord Stream 2 ait explosé, mais qu’il ait été construit».

«La bataille pour les droits et pour le droit est loin d’être terminée : elle se poursuivra en Allemagne, assure le défenseur italien de Serhii Kuznietsov. La justice est un chemin sinueux, le résultat d’un travail continu, et non un miracle qui se réalise tout seul.»