Publié le
20 nov. 2025 à 19h56
L’édifice chancelant de l’enseignement supérieur public ouvre la brèche à des personnes pas toujours parées de vertus. Des jeunes de l’université Paris-Est Créteil (Val-de-Marne) en ont fait l’amère l’expérience en avril 2025, au terme de leur cursus. Selon une enquête publiée ce mardi 18 novembre 2025 par la Fédération nationale des associations représentatives des étudiants en sciences sociales (Ares), 69 étudiants ont été inscrits dans une école privée sans consentement. Le statut de l’établissement ne représente pas a priori un motif de contestation. En revanche, l’absence de diplôme délivré par le ministère de l’Enseignement supérieur en est légitimement un.
Un étrange recrutement
Ainsi donc ces étudiants, qui pensaient rejoindre le master Innovation et Création d’entreprise (ICE) de l’Institut d’administration des entreprises (IAE), ont été aiguillés vers une formation baptisée « Business Developpement et Entrepreneuriat », faute de place dans le master de l’UPEC. Selon la Fédération Ares, cette formation présentée comme faisant partie de l’IAE maquillait en réalité une formation privée à but lucratif chapeautée par Makers Factory.
Dans l’univers de l’enseignement privé, cette marque est bien connue. Elle appartient au Centre de formation d’apprentis (CFA), mais avec un statut d’association loi 1901. La pratique se révèle assez monnaie courante. Pourtant, l’Ares met en lumière des modalités de recrutement plus baroques, voire illégales.
Car le responsable de l’école n’est autre qu’un intervenant en Master 2 de l’IAE. Pour attirer les étudiants vers sa formation, il a donc utilisé les ressources de l’université publique. Une entreprise dénoncée par l’Ares, qui fustige « une utilisation de données personnelles de centaines d’étudiants au sein d’une plateforme publique, à des fins privées ».
En toile de fond de cette affaire, la relation entre l’Upec et Makers Factory. L’Ares assure que l’université a bien reconnu un projet de partenariat entre les deux parties, sans que ce dernier ait abouti. « Certains éléments laissent entendre qu’un projet de partenariat aurait été évoqué sans avoir été validé par l’établissement », indique l’université dans un communiqué. Elle précise qu’une enquête administrative est actuellement en cours avant de rappeler « que ses diplômes nationaux sont délivrés par ses composantes, selon des règles d’accréditation strictes et ne font l’objet d’aucune sous-traitance ou délégation à des opérateurs privés ». De son côté, le responsable de Makers Factory se défend auprès du Parisien en affirmant avoir « eu l’autorisation écrite de recruter (des) étudiants ».
Une explosion de l’enseignement privé et des dérives
L’intervenant à l’Upec se cache également derrière le changement de gouvernance de l’université. Ainsi, la présidente Karine Vergès n’aurait pas été informée de cette collaboration. L’Ares et l’université ont saisi le procureur de la République de Créteil. Le parquet n’a pas pu donner suite à nos demandes relatives à l’ouverture d’une enquête.
Ce type de pratiques s’inscrit dans un contexte de croissance importante des établissements de formations privée dans l’enseignement supérieur. En 2023, Le Monde notait que ce bond prenait racine dans l’abondance des contrats d’apprentissage permis par les pouvoirs publics. Une manière de toucher des milliers d’euros d’argent public grâce au recrutement d’un étudiant.
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
Mais tout sauf l’assurance de recevoir une formation qualitative, comme le rapportait L’Internaute en juillet dernier. Face aux dérives signalées, l’État a créé un label d’agrégation pour les établissements privés et publics afin de garantir un enseignement de qualité. En outre, le projet de loi sur la régulation de l’enseignement supérieur privé devait être examiné à l’automne.
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.