Nice-Marseille, c’est aussi un derby entre deux des plus anciens groupes Ultras en France. Quelques mois après le Commando 84 marseillais et dans la même année que les Boulogne Boys de Paris, la Brigade Sud Nice 85 est née.
Partie d’un groupe de potes, l’association regroupe quarante ans plus tard quatre mille membres à l’Allianz Riviera.
Une poignée de Niçois du Port, Saint-Roch, Arson – bref des quartiers populaires – des amoureux du Torino, du Milan ou de l’Atalanta, surtout du mouvement Ultra italien en somme, ont refilé leur fièvre du Rouge et Noir sur plusieurs générations.
« C’est une fierté, peu de groupes y parviennent » soulignait l’un des fondateurs avant de rejoindre le Stade de France pour la Coupe de France 2022.
Fervent passionné de sa ville et de son club, l’Ultra et son engagement ne sont pas simplement dépendants des résultats, « l’esprit groupe peut parfois prendre le pas sur l’équipe » assure Sébastien Louis, historien, sociologue et auteur du livre ‘‘Ultras, les autres protagonistes du football’’.
Être Ultra ne s’arrête pas à 90 minutes ou un week-end, c’est « un investissement au quotidien » rappelle Max dans le documentaire de 20 minutes qu’ont consacré l’OGC Nice et Kick-off Prod pour les 40 ans.
Imaginer les chorégraphies, les dessiner, les fabriquer, ça prend du temps.
Concevoir du matériel, organiser des déplacements, suivre l’équipe et faire perdurer l’association réclame de l’investissement.
« Parfois au détriment de la famille, des amis, de l’épouse même », détaille Alexy Bosetti, footballeur professionnel à la fois « fier de faire partie de ce groupe » et « dégoûté de ne pas être en tribune » ce soir.
Dissolution en 2010 suite à une série d’épisodes de violence
Des âmes désœuvrées ont trouvé une famille dans la tribune. Des victimes de la vie, de la tempête Alex (2020) ou des inondations à Villeneuve-Loubet (2015) ont trouvé du soutien dans la Populaire Sud.
Parce que défendre sa ville, son club, sa culture et son identité ne s’arrête pas aux frontières de la violence, le groupe et ses membres sont aussi victimes de leurs débordements.
Six épisodes de la saison 2009-10, dont un envahissement du terrain et une bagarre lors du derby à Monaco, avaient encouragé le Premier Ministre à prononcer la dissolution de la Brigade Sud en 2010.
« C’était une très mauvaise idée, pointe encore aujourd’hui André Bloch, directeur de la sécurité à l’OGC Nice pendant deux décennies après plus de trente années dans la police judiciaire. La direction d’un club a besoin de connaître l’état d’esprit dans ses tribunes pour assurer la sécurité dans son stade. Ne plus avoir d’interlocuteurs, se retrouver face à un black-out complet, c’est la pire chose qui puisse arriver. »
Le vide associatif a duré trois ans avant que la Populaire Sud ne reprenne le flambeau officiellement en 2013 alors que les Boulogne Boys (dissolution en 2008) et d’autres ont disparu.
« La résumer à une tribune de voyous est absolument faux »
« La Populaire Sud est une tribune à part dans le paysage Ultra français, son identité est très affirmée. C’est une tribune étonnante, il s’en dégage une grande force, une âme » reconnaissait dans nos colonnes Nicolas Hourcade, sociologue spécialisé dans le supportérisme, au moment de ce retour en grâce que les médias et médisants ont trop souvent décrit comme une tribune de voyous.
« C’est absolument faux. Dire cela, c’est voir la situation à travers le petit bout de la lorgnette », appuie André Bloch après avoir croisé de vrais délinquants à la tête de la police criminelle de Nice. « Dans ce groupe, j’ai croisé des gens de toute condition sociale, un vrai panel représentatif de la société. Sans minimiser ce qui n’était pas acceptable, il fallait voir l’ensemble des éléments positifs de ce que le groupe faisait. J’ai croisé des gens qui essayaient de respecter la parole donnée, ce qui a permis de désamorcer des situations difficiles, ou du moins éviter qu’elles ne dégénèrent, par le dialogue. »
Les bagarres lors des Nice-Saint-Etienne (novembre 2013), Nice-Bastia (octobre 2014), Nice-Cologne (septembre 2022), les Nice-OM marqués par la bouteille lancée sur Payet (novembre 2021) ou plus récemment par la polémique autour d’une banderole incitant à la « chasse aux rats » (janvier 2025) alimentent aujourd’hui encore les envies de répression des instances, de l’é tat et de sa police.
Quitte à inverser la zone de danger… « Les interdictions de déplacement, les interdictions de stade pour un fumigène, c’est pénible. Pire, ç a devient dangereux d’être Ultra, dénonce Bosetti. Je suis footballeur professionnel, je ne bois pas, je ne me drogue pas et pourtant j’ai pris un tir de flashball dans l’épaule avant la finale à Paris. à vingt centimètres près, je le prenais dans la tête. »
Renato Civelli : « La BSN, c’est le Ray »
Aiglon de janvier 2010 à l’été 2013, Renato Civelli est un Argentin qui se sent comme chez lui à Nice. Il y revient tous les étés et garde une attache très particulière pour le club et ses Ultras.
« On avait une relation saine, ils ne m’ont jamais rien demandé, comme moi je ne leur demandais rien, témoigne l’ancien défenseur. Mon comportement, mon jeu, ma façon de vivre le foot nous a rapprochés. En Argentine, tu joues pour toi, pour ton coach, pour ton club mais aussi pour tes supporters. ç a s’apprend depuis tout petit ici, on garde du respect pour les gens qui viennent te soutenir. C’est vrai qu’avec la BSN, j’ai donc eu un rapport spécial.
Pour moi, la Brigade Sud c’est le stade du Ray, désolé pour ceux qui ne sont pas d’accord. Ce petit stade qui explosait à chaque match, en grande partie grâce à eux. Ce rapport continue chaque été quand je croise les Niçois en ville.
Mon seul regret, c’est de ne pas leur avoir dit au revoir en tant que joueur, au fond de moi je pensais que j’allais rester…
Maintenant que j’ai arrêté ma carrière, je me rends compte que le foot est un spectacle. Et que les supporters sont bien plus importants que ce que je pouvais penser avant. On l’a vu pendant la pandémie de Covid, le foot sans supporters, ce n’est plus la même chose. »