Par

Zoe Hondt

Publié le

21 nov. 2025 à 6h28

Voilà une affaire surprenante. Un policier retraité de 64 ans a été jugé au tribunal de Lille (Nord), mardi 18 novembre, pour détournement de scellés. Les faits remontent à 2020 : alors qu’il était encore en poste dans les locaux de police de Lille, l’homme aurait subtilisé de l’argent liquide provenant d’une affaire de blanchiment. Pendant trois ans, personne ne s’est douté de la disparition du butin. La somme volée est estimée à 28 140 euros. Récit.

Insoupçonnable pendant trois ans : un policier jugé pour avoir volé plus de 28 000 € de scellés

Le 31 juillet 2023, dans les locaux de police de Lille, un signalement est émis par un commissaire divisionnaire. 28 140 euros d’argent liquide manquent au coffre fort des scellés. Le butin avait été récupéré en février 2020, dans le cadre d’une procédure de blanchiment d’argent. Alors comment aucun policier n’a pu se rendre compte de la disparition du pactole, pendant trois ans ?

Pour bien comprendre, lorsque les autorités reçoivent des scellés, elles doivent d’abord les envoyer au laboratoire de police scientifique (LPS). Une fois examinés, ces scellés leur sont rendus afin d’être stockés dans un coffre fort, puis envoyés au parquet. Le temps d’envoi moyen est de 33 jours.

Dans cette affaire, tout commence en juin 2023. Un agent douanier se soucie de voir toujours apparaître la mention « procédure en cours » dans le logiciel interne. Pourtant, après quelques recherches, il s’aperçoit que l’argent aurait bien été déposé au parquet le 9 novembre 2020, mais sous un numéro de procédure différent. Le doute s’installe. Le LPS avait déjà renvoyé l’argent en juillet 2020 et le parquet confirme ne pas avoir reçu la somme d’argent.

« Il y a peut-être des mensonges mais je ne suis pas un voleur » 

Au tribunal, le prévenu nie tout en bloc. Au moment des faits, il était brigadier en charge de la gestion des scellés. Considéré comme une « référence dans le métier », le retraité faisait des inventaires réguliers. Il avait également créé de sa propre initiative un registre papier et un tableau numérique, en supplément du logiciel interne, pour assurer le bon suivi des scellés.

Pourtant, le dépôt de l’argent n’est pas mentionné sur le tableau et le registre papier est introuvable. En audition, le prévenu déclare qu’il a détruit ce dernier pour en refaire un « plus propre ». Puis il change de version, et affirme que l’ancien registre n’a jamais existé.

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À la barre, le policier retraité suppose que « quelqu’un a utilisé son ordinateur et volé son mot de passe » pour simuler le dépôt du scellé informatiquement, et ainsi lui faire porter le chapeau. « Le code du coffre fort a toujours été le même, les autorités le connaissaient aussi », ajoute-t-il. « Qui pourrait vous en vouloir à ce point ? Vous n’avez pas cherché à savoir ? C’est extrêmement grave ! », s’exclame la présidente, perplexe. 

Au cours de l’enquête, plusieurs collègues ont partagé leurs soupçons sur le prévenu. Certains le savaient très expérimenté, d’autres le jugeaient « manipulateur » et « menteur ». Une collègue rapporte : « Il affabulait, faisait croire qu’il gagnait beaucoup d’argent. Il m’a dit avoir eu huit ou neuf cancers et posséder un appartement à Barcelone. » Après une discussion avec une autre collègue, elle se serait rendu compte que tout cela était faux. Le prévenu de 64 ans réfute ces « déclarations farfelues » avant de déclarer : « Il y a peut-être des mensonges mais je ne suis pas un voleur. » La somme d’argent est absente de ses comptes bancaires.

Une affaire qui démontre des « failles » dans la police

« C’est une personne membre de l’autorité publique, dans laquelle on est censé avoir confiance. J’ai l’impression qu’on se moque de nous en permanence », s’exclame le procureur de la République, remonté.

Il dénonce la contradiction et une « mythomanie manifeste » chez le prévenu. Selon lui, une « situation financière catastrophique » a poussé l’homme de 64 ans à commettre les faits. Il requiert 18 mois d’emprisonnement dont 12 assortis du sursis simple.

L’avocat de la défense souhaite relativiser. Il décrit un « fonctionnaire exceptionnel » qui n’a « jamais fait d’écart dans sa carrière ». Selon lui, les faits auraient pu être commis par un tiers. Il met notamment en cause une collègue, déjà condamnée pour ce type de délit. L’avocat dénonce « des failles, comme dans tous les services de police ».

Le prévenu de 64 ans est finalement reconnu coupable. Il est condamné à 18 mois d’emprisonnement intégralement assortis du sursis simple. Le retraité a l’obligation d’indemniser l’agent judiciaire de l’État à hauteur de 28 140 euros.

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