Visée par plusieurs sanctions économiques depuis le début de son invasion en Ukraine en 2022, la Russie a pu s’appuyer sur un vaste réseau de blanchiment d’argent pour continuer à financer la guerre, révèle la police britannique ce vendredi.
Un vaste réseau de blanchiment d’argent opérant à travers le Royaume-Uni a secrètement acheté une banque au Kirghizstan pour aider la Russie à contourner les sanctions occidentales visant à entraver le financement de la guerre en Ukraine, a annoncé ce vendredi 21 novembre la police britannique.
Ce rachat a été rendu public par l’Agence nationale de lutte contre la criminalité (NCA), dans le cadre de ce qu’elle a présenté comme la deuxième phase d’une opération de police internationale baptisée « Operation Destabilise ».
Une première phase avait été annoncée en décembre 2024. À l’époque la NCA avait qualifié l’opération de « plus vaste opération anti-blanchiment depuis une décennie ». Elle a déjà conduit à 128 arrestations et à la saisie de plus de 25 millions de livres sterling (28,3 millions d’euros) en espèces et en cryptomonnaie au Royaume-Uni, selon la NCA.
Réseaux de blanchiment d’argent
Le réseau de blanchiment incriminé a utilisé des centaines de coursiers dans au moins 28 communes du Royaume-Uni pour collecter de l’argent provenant de trafic de drogue, trafic d’armes et de réseaux d’immigration illégale. L’argent a ensuite été rapidement converti en cryptomonnaie et envoyé à travers le monde, selon la NCA.
Deux réseaux russophones, appelés Smart et TGR, sont au coeur des opérations de blanchiment, selon la NCA. C’est pendant la deuxième phase de l’opération policière que les autorités ont découvert que certains des fonds blanchis transitaient par une banque au Kirghizstan, la Keremet Bank. Celle-ci a été secrètement achetée à Noël dernier par Altair Holding SA, une société liée au chef de TGR, George Rossi.
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Keremet a ensuite aidé à transférer de l’argent pour Promsvyazbank (PSB), une banque d’Etat russe qui finance des entreprises impliquées dans le secteur militaro-industriel russe, selon la NCA. Keremet avait déjà été pointé du doigt par le Trésor américain en janvier.
Opérations à « échelles vertigineuses »
« Pour la première fois, nous relions le trafic de drogue jusqu’aux plus hauts niveaux du crime organisé, de la géopolitique, du contournement des sanctions, du complexe militaro-industriel russe et des activités liées à l’État », s’est félicité Sal Melki, directeur adjoint de la NCA pour les délits économiques.
Les réseaux ont opéré à « des échelles vertigineuses », a-t-il ajouté. La plupart des activités au Royaume-Uni reposaient sur des coursiers qui parcouraient le pays pour collecter des sacs d’argent liquide et les échanger contre des paiements en cryptomonnaie, parfois sur des aires d’autoroutes.
La NCA a lancé une campagne nationale d’affiches et de messages en ligne en anglais et en russe, notamment dans les stations-service, avertissant les coursiers des risques de longues peines de prison, pour une rémunération relativement basse.
« Pour quelques centaines de livres, il y a de fortes chances que vous alliez en prison pour plus de cinq ans », a déclaré Sal Melki.
La NCA estime que la menace posée par de tels réseaux demeure. « La NCA a porté un coup dur à ces organisations », a déclaré Sal Melki. « Mais il y en a encore d’autres comme elles, et nous savons que nous devons maintenir la pression. Nous devons continuer à arrêter ces gens, à les poursuivre, à les sanctionner ».