À droite, tous les chemins mènent à Rome. Au Parlement européen, le 13 novembre, une coalition d’un nouveau genre permettait le détricotage en règle de la directive sur le « devoir de vigilance » : le Parti populaire européen, au sein duquel siège LR, mais aussi les nationalistes du groupe Patriotes pour l’Europe, de Jordan Bardella, d’Europe des nations souveraines, de Sarah Knafo, et, surtout, des Conservateurs et réformistes (ECR), emmenés par Fratelli d’Italia, de Giorgia Meloni, à laquelle s’est alliée Marion Maréchal. Une majorité née d’un rapprochement tant physique qu’idéologique entre courant traditionnel et frange conservatrice, à l’œuvre depuis l’avènement au pouvoir de l’Italienne.
« La politique que mène Giorgia Meloni est à mes yeux un modèle pour la droite », lâchait Laurent Wauquiez en mai dernier. Une admiration partagée par d’autres en France. Jordan Bardella, interrogé sur les raisons qui l’avaient poussé à entreprendre l’écriture de son premier ouvrage, « Ce que je cherche », répondait vouloir faire « comme Meloni » avec son autobiographie, « Io sono Giorgia ».
Marion Maréchal, par ailleurs épouse d’un lieutenant de Fratelli d’Italia, s’affiche comme une Meloni française, adoubée par l’Italienne qui appelait à l’union des droites dans l’Hexagone en vue de 2027, au cours de la rentrée politique du parti Identités-Libertés, à Paris. Quant à Bruno Retailleau, ses équipes phosphoraient en septembre à une visite officielle dans la Botte avant que ses ambitions ne soient tuées dans l’œuf par un Tweet nocturne.
« Elle est conservatrice, ce que je ne suis pas », dit Marine Le Pen en privé
L’ex-premier flic de France n’avait pu honorer l’invitation de la nationaliste, l’an dernier, au festival Atreju, incontournable rassemblement conservateur italien fondé en 1998 par Meloni alors qu’elle dirigeait l’organisation de jeunesse du parti post-fasciste Alliance nationale. S’y sont pressés des représentants de mouvements étrangers analogues : les Américains Elon Musk et Steve Bannon, le président argentin, Javier Milei, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, ou encore l’ex-chef du gouvernement britannique Rishi Sunak. Seule Marine Le Pen, qui rejette le clivage gauche-droite, affiche une certaine réticence à son égard. « Elle est conservatrice, ce que je ne suis pas », dit-elle en privé.
Cette quasi-unanimité de ce côté de l’échiquier s’appuie sur les résultats obtenus par la coalition au pouvoir : en 2024, le ministère de l’Intérieur italien arguait d’une baisse de 65 % de l’immigration illégale sur son sol quand les retombées du plan de relance européen, dont la plus grosse part est allée à la Péninsule, ont entraîné « 80 milliards d’investissements étrangers » et la « presque sortie [de l’Italie] de la procédure de déficit excessif » engagée par l’Union européenne, comme le revendique le chef de la délégation Fratelli d’Italia à Bruxelles, Carlo Fidanza : « Nous payons aujourd’hui moins d’intérêts sur la dette, ce qui nous a permis de libérer des ressources pour les politiques nationales et nous offre une forte projection extérieure. Des opérations comme le plan Mattei pour l’Afrique [partenariat migratoire et économique se déclinant désormais au niveau européen, NDLR] créent des opportunités pour nos entreprises et nous font entretenir de bonnes relations avec nos alliés, notamment l’administration américaine. »
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« Nous avons une approche pro-Ouest et atlantiste »
Voici la seconde partie de la tâche. Alors qu’il lui était présagé un mandat solitaire sur la scène internationale, Meloni s’est appliquée à faire croître son influence, cultivant ses liens avec Donald Trump ou Javier Milei et se posant en pont entre le Nouveau Monde et l’Ancien Continent. « Meloni a montré que l’option politique qu’elle représente était compatible avec le fait de jouer le jeu européen de manière très affirmée », abonde le chef de la délégation LR à Bruxelles, François-Xavier Bellamy. « Elle a la recette d’une droite qui gagne et qui gouverne à droite, ça donne envie, non ? » lance l’eurodéputée française Céline Imart.
« ECR est né d’une vocation très occidentale, narre le lieutenant melonien Nicola Procaccini, coprésident du groupe au Parlement européen. L’empreinte initiale vient des tories de Margaret Thatcher. Nous avons une approche pro-Ouest et atlantiste. » Une stratégie pour l’heure payante nationalement : malgré trois ans d’usure du pouvoir – une éternité en Italie –, Fratelli d’Italia est crédité de 30 %, contre à peine 20 % pour la gauche.