L’action du géant français du jeu vidéo était suspendue depuis une semaine à sa demande pour un problème purement comptable. L’investissement de 1,16 milliard d’euros du géant chinois a reçu tous les feux verts.

Pourquoi Ubisoft a-t-il brutalement demandé la suspension de son cours de Bourse jeudi dernier, alors qu’il devait présenter ses résultats semestriels ? Le silence radio qui a suivi cette annonce durant une semaine aura nourri bien des spéculations et des fortes craintes des actionnaires. La réponse est finalement arrivée tôt ce vendredi matin, avant l’ouverture de la Bourse de Paris. Elle soulagera ceux qui craignaient une nouvelle des plus négatives pour le géant français du jeu vidéo, propriétaire des licences Assassin’s Creed et Far Cry, et en difficulté depuis plusieurs années.

Nul rachat surprise du groupe, annulation de l’accord stratégique avec Tencent ou autre grave problème financier à l’horizon. C’est bien un problème purement comptable qui a conduit le groupe à annuler en dernière minute la communication de ses résultats financiers. Sa cotation reprendra ce vendredi matin à 10 heures à la Bourse de Paris.


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Le rapport des nouveaux auditeurs nommés en juillet à l’assemblée générale du Groupe, arrivé quelques jours auparavant, a constaté un problème quant à la comptabilisation dans le chiffre d’affaires d’un partenariat selon la norme IFRS-15 sur l’année fiscale 2025, dont les comptes avaient été formellement approuvés en juin dernier. Ce partenariat, non-précisé, pourrait être lié soit à un accord de distribution sur une plateforme de jeux par abonnement (Game Pass, PlayStation Plus…), soit des droits d’adaptation audiovisuels d’une licence Ubisoft, soit à des droits de licence et de distribution pour un jeu sur une plateforme. Ce problème de norme comptable a conduit le groupe à retraiter ses chiffres, et à décaler d’une semaine la publication de ses résultats semestriels. Tout ça pour ça, donc.

La suspension du cours d’Ubisoft, une incertitude de plus pour un groupe en pleine tempête

Un investissement imminent de Tencent

Mais Ubisoft a accompagné cette publication tant attendue d’une bonne nouvelle : son accord stratégique avec Tencent a désormais reçu tous les feux verts. «Toutes les conditions suspensives ont été satisfaites», écrit le PDG Yves Guillemot dans le communiqué. L’arrivée de l’investissement de 1,16 milliard d’euros du géant chinois de la tech n’est plus qu’une question de jours. Elle aura pour grand intérêt de désendetter intégralement le groupe. «Cette transaction stratégique verra Tencent devenir actionnaire minoritaire de notre nouvelle filiale, Vantage Studios », rappelle également le PDG.

Tencent détiendra 25% de cette filiale, qui aura pour mission de gérer les trois licences les plus rentables d’Ubisoft : Assassin’s Creed, Far Cry et Rainbow Six. Objectif, leur faire générer au moins 1 milliard d’euros par an, par tous les biais possibles : jeux consoles, PC, mobile, adaptations audiovisuelles, produits dérivés… Cette filiale, créée le 1er octobre, a une autonomie décisionnelle et financière, et est dirigée par Charlie Guillemot, le fils du PDG, et Christophe Derennes, son cousin.

Le reste d’Ubisoft sera bientôt lui aussi redécoupé en plusieurs filiales, nommées «maisons créatives», des structures vues comme plus agiles et spécialisées sur certains types de jeux. «Nous aurons finalisé la conception de cette nouvelle organisation d’ici la fin de l’année autour d’entités autonomes, efficaces, focalisées et responsables, chacune dotée de sa propre direction, de sa vision créative et de sa feuille de route stratégique», poursuit Yves Guillemot. «Les détails complets de ce nouveau modèle opérationnel seront dévoilés en janvier. »

Par ailleurs, durant la présentation aux analystes, le PDG a évoqué l’intelligence artificielle générative. «C’est un tournant aussi important pour l’industrie du jeu vidéo que le passage à la 3D», au milieu des années 1990, a-t-il indiqué. «Nous avons tous les éléments en main pour être leaders de cette révolution», ajoute-t-il en faisant référence au travail de son laboratoire de recherche et développement chez Ubisoft Paris, qui travaille sur ce sujet depuis la fin 2022. Cette équipe de 80 ingénieurs, développeurs de jeux, mais aussi «narrative designers», a déjà dévoilé l’an passé une première démonstration technique, Neo NPC, permettant au joueur de discuter à l’oral avec des personnages virtuels.


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Des résultats financiers en amélioration

En attendant ce big bang, Ubisoft annonce un chiffre d’affaires semestriel de 772,4 millions d’euros, en hausse de 20,3% sur un an. Le deuxième trimestre (490 millions d’euros) a surperformé grâce «à des partenariats plus importants qu’anticipés» et une «solide performance» de Assassin’s Creed Shadows, sorti en mars dernier. «Depuis le début de l’année, Assassin’s Creed a généré 211 millions de jours de sessions de jeu, soit une hausse d’environ 35 % par rapport à la moyenne des deux dernières années», écrit Ubisoft, qui n’en dit pas plus sur les ventes du jeu. Il avait annoncé il y a quelques mois que ce titre avait atteint 5 millions de joueurs.

Le résultat opérationnel est également en nette amélioration. Il est de 27,1 millions d’euros, contre une perte de 252 millions d’euros l’an passé. Le résultat net, lui, est en déficit de 37 millions d’euros. Ces pertes s’élevaient à 208 millions d’euros en 2024.

Ubisoft maintient son objectif pour l’année fiscale en cours, avec des revenus stables sur un an (1,9 milliard d’euros), un résultat opérationnel proche de l’équilibre, et un désendettement lié à l’apport financier de Tencent. Par ailleurs, le groupe annonce avoir déjà économisé 69 millions d’euros sur ses coûts fixes, sur les 100 millions fixés en mai dernier. Il est passé par «des restructurations ciblées» et «une discipline continue en matière de recrutement». Ubisoft a en effet procédé à des licenciements ou des plans de départ volontaires dans plusieurs studios. «Associés à la croissance du chiffre d’affaires, ces efforts contribueront au retour à une génération de trésorerie solide dans les prochaines années», écrit Yves Guillemot.