Alors que Donald Trump multiplie les restrictions visant la recherche et les données publiques aux Etats-Unis, la défiance vis-à-vis de la science progresse en France. Invitée de la matinale, Karine Berger, économiste, ancienne députée et co-autrice de Quand la France se détourne de la science, constate que les Français remettent de plus en plus en question la légitimité du savoir scientifique.

« Aujourd’hui, plus d’un Français sur deux pense que son opinion personnelle vaut plus que l’analyse du scientifique spécialiste du sujet », affirme Karine Berger. « La science est en train, en France, de devenir une opinion. » Un basculement inquiétant, nourri selon elle par deux dynamiques convergentes : « On a d’abord un mécanisme de relativisme de la science comme une opinion comme une autre, puis parallèlement on a un rejet du progrès. » L’économiste point également la politisation de la défiance statistique : plus on se situe aux extrêmes du spectre politique, moins on a confiance aux chiffres publics. En miroir, elle rappelle que Donald Trump avait supprimé des données fondamentales dès son arrivée au pouvoir, notamment celles permettant de mesurer les inégalités femmes-hommes. Une stratégie américaine qu’elle juge révélatrice d’un « projet de fin de la science ».

La pandémie de Covid-19 a, elle aussi, accéléré cette rupture. « La question est de savoir sur quel type de « vérité alternative » les opinions politiques sont en train de s’agréger. Certains partis politiques, certains représentants politiques, sont capables d’agréger les populations sur des faits antiscientifiques. […] On a trouvé des citations antivax de la part de hauts responsables politiques français de tous les bords politiques. Tous les bords politiques, à un moment ou un autre, ont eu une personne dans leur rang qui s’est exprimée pour dire qu’il fallait se méfier des vaccins. » Une banalisation du doute scientifique qui, selon elle, dépasse largement le complotisme : « on ne parle pas de complotisme. On parle bel et bien de défiance dans la parole des scientifiques. »

Une défiance institutionnelle banalisée

Pour Karine Berger, le danger est évident : « on risque la disparition de la notion de vérité dans le débat public. » Rappelant qu’une vérité scientifique repose sur un socle universel : « La référence, c’est la science. Elle est universelle, est débattable mais elle amène une forme d’incontestabilité sur ce qu’elle sait. Nous savons tous désormais que la Terre est ronde. […] Il y a des faits scientifiques qui ont été établis et qui sont universels.  Et c’est là-dessus que se construit la notion de vérité. » Elle insiste sur l’importance de rétablir la confiance dans la méthode scientifique.

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Si elle reconnaît que les scandales politiques ont pu ébranler la crédibilité de l’Etat, elle appelle aussi chaque citoyen à un devoir individuel : « chacun est absolument responsable de ses connaissances et de l’effort qu’il doit faire pour les construire. »

Daphnée Cataldo

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