Par

Lisa Rodrigues

Publié le

21 nov. 2025 à 12h16

INTERVIEW ACTU GRENOBLE. Allan Brunon, 26 ans, est le candidat de la France insoumise aux municipales de Grenoble sur la liste « Faire mieux pour Grenoble ». Le parti de Jean-Luc Mélenchon a présenté une candidature unique dans la préfecture de l’Isère, quittant de fait l’alliance électorale avec les Écologistes et une partie de la gauche en vigueur depuis 2014.

Juriste et diplômé de Sciences Po Grenoble, engagé depuis ses 15 ans en politique, Allan Brunon a accepté de répondre aux questions de la rédaction et dévoile ses premières grandes mesures.

« La vidéoprotection ne fonctionne pas »

Actu : Les chiffres de l’insécurité à Grenoble sont élevés. Le week-end dernier, un garçon de 13 ans a été gravement blessé par balles à Chorier-Berriat. Si vous êtes élu maire, que comptez-vous faire à ce sujet ?

Allan Brunon : Il y a une insécurité à Grenoble, mais elle n’est pas simplement de l’ordre de l’atteinte aux biens et aux personnes.
Ces chiffres, j’en ai un rapport différent d’Alain Carignon. Les solutions qu’il propose sont mauvaises. La vidéoprotection ne fonctionne pas. On n’armera pas davantage la police municipale, qui est déjà armée, parce que plus d’armes est égal à plus de drames.
On veut faire un grand service public de la tranquillité publique pour traiter les problèmes à la racine, avec des médiateurs dans les quartiers populaires.

Pour résumer, vous axez votre action sur la prévention et la proximité ? 

AB : Ce que proposent mes adversaires politiques ne peut pas être fait. Offrir des moyens de médiation et de prévention, c’est la compétence d’une municipalité. Mon équipe n’aura pas vocation à faire la chasse aux dealers.

Vos idées sont très tournées vers les quartiers populaires, mais quid des autres quartiers ?

AB : Mon objectif politique est de répondre à des problématiques là où elles sont les plus fortes. Et aujourd’hui, ce sont les quartiers populaires qui ont été abandonnés par Éric Piolle.
Oui, il y a une priorisation des quartiers populaires, mais ils sont aussi dans le centre-ville.

Allan Brunon attaque Alain Carignon sur son terrain de prédilection

Une chose est sûre : Allan Brunon fait d’Alain Carignon son principal opposant aux municipales de Grenoble. Surtout concernant le sujet de prédilection du candidat de la droite, l’insécurité, et l’une de ses mesures phares : empêcher les dealers condamnés d’accéder à un logement social.

« C’est une bêtise absolue, assène le candidat LFI. Quand il y a un jeune pris dans le trafic de stupéfiants, il y a systématiquement des mesures d’éloignement mises en place. Si M. Carignon a vocation à transposer le code de procédure pénale dans son action municipale, qu’il ne s’inquiète pas, ça existe déjà ! »

Pour Allan Brunon, cette proposition de l’ancien maire de Grenoble est également « stigmatisante ». « Les jeunes qui viennent dealer en bas des tours ne sont même pas de Grenoble ! C’est une manière, sans le dire, de s’attirer les votes de l’extrême droite. »

« La jeunesse dans les quartiers populaires a été oubliée »

Quelles sont vos principales propositions pour la jeunesse de Grenoble ?

AB : Développer un grand service public de la jeunesse avec des mesures très concrètes, comme la gratuité des transports pour les moins de 26 ans et la gratuité de la cantine scolaire. Je suis d’ailleurs étonné que Laurence Ruffin soit en désaccord avec cette dernière mesure.

Je pense aussi que la jeunesse dans les quartiers populaires a été oubliée à Grenoble. On a des associations qui ne fonctionnent plus, des jeunes abandonnés qui grandissent dans des quartiers où il n’y a plus rien. Il faut une priorisation des subventions aux associations qui offrent des perspectives aux jeunes.

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Laurence Ruffin, désignée candidate du collectif mené par les Écologistes pour les municipales de Grenoble, assume l'héritage Piolle, mais veut aussi amener des
Laurence Ruffin, tête de la liste de la majorité sortante à Grenoble, est l’autre ‘grande’ candidate de gauche pour les municipales de la capitale des Alpes. (©Lisa Rodrigues / actu Grenoble)

Est-ce que cela peut aussi passer par l’école ?

AB : Il faut accentuer les politiques de découverte des métiers à l’école et accompagner les rêves des enfants. Aujourd’hui, un enfant qui a grandi à l’Arlequin, à la place des Géants, à la Villeneuve ou à l’Alma doit avoir les mêmes chances de s’en sortir qu’un enfant qui a grandi place Grenette.

« Aujourd’hui, Grenoble est hyper-représentée à la Métropole »

Vous soutenez la gratuité des transports pour les moins de 26 ans. Cela sous-entend qu’il faut améliorer les relations de la Ville avec la Métropole et le SMMAG…

AB : Il y a eu une guerre d’ego entre deux hommes. Aujourd’hui, Grenoble est hyper-représentée à la Métropole et les petites communes sont oubliées. Je n’entends pas être un personnage agressif vis-à-vis de mes partenaires métropolitains.

La mairie de Grenoble s’est enlisée dans une écologie de façade. Elle sanctionne ceux qui n’ont pas les moyens d’accéder aux réseaux de transport en commun. Beaucoup d’habitants galèrent à payer les abonnements.

Il existe pourtant une tarification solidaire pour les transports…

AB : Bizarrement, dans les quartiers, personne ne connaît cette tarification ! Le silence sur ces dispositifs et leur non-accessibilité est un problème politique.

Contre le projet de lac baignable à la Villeneuve

Est-ce que vous avez un projet particulier d’aménagement que vous voulez mettre en place pendant votre mandat ?

AB : Les grands maires bâtisseurs c’est terminé, même si Éric Piolle prend parfois cette casquette. Prenez le lac baignable de Villeneuve. On a un projet alternatif de l’Union de quartier qui est arrivé en tête du budget participatif. Pour autant, la municipalité s’entête.
Ce projet de lac aberrant et ubuesque, on s’engage à ne pas le faire. Dans les premiers 100 jours, on s’adressera par un référendum direct aux habitants de la Villeneuve qui savent ce qui est bon pour eux.

Réquisition de logements vacants : « S’il faut mettre des coups de pied dans les portes, on le fera »

Que comptez-vous faire sur la problématique du logement ? 

AB :
Il faut renforcer les moyens des bailleurs, faire la réquisition réelle et la réhabilitation des 17 000 logements vacants de l’agglomération grenobloise. Et ne pas baisser la tête quand la préfète de l’Isère vient nous faire des leçons politiques. Si on nous dit que c’est impossible, on emmène tout le conseil municipal à la préfecture ou on occupe les logements vacants. Que les forces de l’ordre viennent déloger le maire d’un logement réquisitionné !
On sera des élus de combat. S’il faut mettre des coups de pied dans les portes de ces grands groupes et multipropriétaires qui font de la spéculation immobilière sur le dos des Grenoblois, on le fera.

Vous parlez de réhabilitation, il faut donc y mettre de l’argent. Où le trouver ?

AB : On ne va pas faire de projets d’infrastructures inutiles et on va repenser les subventions aux associations pour dégager de la manne financière.
Alain Carignon dit qu’on va augmenter les impôts et la taxe foncière, c’est faux. S’il y a un problème de gestion, ce sera du fait des coupes budgétaires votées par le PS et les Écologistes à l’Assemblée nationale.

Soutenir les petits commerçants

Comment est-ce que vous allez soutenir les petits commerçants ?

AB : Il faut qu’ils arrêtent d’écouter Alain Carignon. Il n’a aucun projet pour eux si ce n’est d’exciter les passions et la majorité municipale a accentué le problème. Il faut penser l’espace public avec ceux qui doivent avoir accès au commerce.
Je suis pour une politique de préemption de locaux dans les quartiers populaires pour ceux qui veulent s’y implanter avec des projets qui servent l’intérêt des habitants.

Ils l'avaient annoncé, ils ont tenu parole. Quatre collectifs d'habitants et commerçants de Grenoble ont mené leur première action surprise, mardi 13 mai, pour manifester leur colère envers la Ville, accusée de ne pas les écouter concernant les projets d'aménagement de leurs quartiers. Banderoles et fumigènes étaient de sortie.
Des collectifs d’habitants et de commerçants ont organisé plusieurs actions à Grenoble ces derniers mois pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis des politiques de la majorité actuelle. (©Archives / Lisa Rodrigues / actu Grenoble)

Que pensez vous de l’arrivée de Shein à Grenoble ?

AB : Il ne faut pas handicaper les commerçants de proximité en laissant s’implanter des commerces pareils. La majorité des personnes qui vont à Shein ne se rendent pas naturellement chez les petits commerçants. L’idée n’est pas non plus de les culpabiliser, parce qu’elles ne peuvent pas faire autrement économiquement.

Union de la gauche à Grenoble : « Ce sont eux qui font cavalier sans nous »

Pourquoi LFI a décidé de faire cavalier seul aux municipales de Grenoble ?

AB : Ce n’est pas nous qui faisons cavalier seul, ce sont eux qui font cavalier sans nous. Laurence Ruffin se réclame d’une union de la gauche sans la première force de gauche du pays. On lui a demandé de se rallier derrière moi, en tenant compte de cette dynamique électorale. Elle n’a pas voulu.

Ma préoccupation politique première, c’est faire un programme de rupture. Je n’ai aucun poste à conserver. Ceux qui ont voulu préserver le leur, Alan Confesson et Émilie Marche, ne sont plus à LFI aujourd’hui. 

Alan Confesson, adjoint LFI de Grenoble, a pris ses distances avec la liste autonome de son parti pour les municipales de Grenoble.
Alan Confesson, adjoint en charge du commerce de Grenoble, a apporté son soutien à la liste de Laurence Ruffin. Son désormais ex-parti LFI l’a suspendu après cette annonce. (©Archives/ RL/Actu Grenoble)

Depuis deux mandats, LFI était allié aux Écologistes. N’avez-vous pas peur d’une confusion des électeurs de gauche ?

AB : Je ne suis pas marié avec les Écologistes. Ils n’ont jamais accepté de remettre en cause une partie de leur bilan. On n’a pas eu de garantie d’une absence d’alliance avec les socialistes, alors que leurs députés votent 12 milliards de coupes budgétaires pour les collectivités.
Je n’ai pas hésité, parce que l’intérêt des Grenoblois est d’avoir une force radicale à l’extérieur de cette alliance molle.

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