Le ton est monté d’un cran. Ce n’est plus une simple passe d’armes diplomatique, mais une véritable crise de confiance qui secoue les derniers jours de la Conférence des Parties (COP30). Au cœur de l’impasse, un mot absent : « fossiles ».

Lorsque le commissaire européen Wopke Hoekstra a déclaré le texte de la présidence brésilienne « inacceptable » et « loin de l’ambition dont nous avons besoin », le scénario du « no deal » a cessé d’être un simple risque pour devenir une stratégie assumée. L’Union européenne (UE), alliée à près de 80 pays dont les plus menacés, a choisi de brandir la menace de l’absence d’accord final pour arracher un engagement structurant et chiffré sur l’abandon du pétrole, du gaz et du charbon. C’est le prix de la crédibilité pour maintenir l’objectif de 1,5 °C de l’accord de Paris.

Le fossé économique et moral de la transition

Car ce mot symbolise la rupture économique que les négociations s’efforcent d’éviter depuis des décennies. Pour l’UE et la Coalition de l’ambition, qui inclut des États insulaires dont l’existence même est en jeu, le retrait progressif des fossiles n’est pas une option mais une feuille de route impérative. Il s’agit d’un signal clair aux marchés de l’énergie et aux investisseurs, posant l’épine dorsale de l’économie de demain.

Face à cette urgence, un Bloc de la résistance oppose un véto économique. Ce groupe est articulé autour des pays producteurs (Arabie saoudite, Russie, Nigeria) pour qui le maintient de leurs revenus pétroliers est une ligne rouge. Il est également renforcé par de grands émetteurs émergents comme la Chine et l’Inde. Leur argument est que toute transition doit être « juste » et ne pas compromettre leur développement économique. Ils préfèrent un texte qui insiste lourdement sur le triplement des financements des pays riches vers le Sud global – une priorité légitime du G77+Chine – plutôt que sur des contraintes d’atténuation.

C’est là que réside la tension narrative profonde de cette COP : l’équité financière du Sud Global contre l’ambition climatique demandée par l’Europe et les plus vulnérables. La présidence brésilienne a tenté de faire une synthèse en priorisant les avancées sur le financement. Mais le texte, en omettant les énergies fossiles, donne l’impression de saupoudrer de l’argent sur un système qui continue de brûler le moteur de la crise.

Un pari risqué, une menace nécessaire

En menaçant de rompre, l’UE prend un risque immense : celui de faire échouer l’accord, ce qui serait un revers diplomatique majeur. Mais elle fait aussi un pari stratégique : celui de forcer les négociateurs à admettre qu’un mauvais accord – un accord sans la sortie des fossiles – est plus dangereux qu’une absence d’accord. Un texte cosmétique donnerait au monde une fausse impression de victoire tout en verrouillant la trajectoire vers un réchauffement catastrophique.

La poursuite des tractations au-delà de la date limite est désormais inéluctable. L’Europe met en évidence une vérité simple : sans la fin programmée des fossiles, il n’y a pas d’accord, il n’y a qu’une illusion climatique. Les heures qui viennent révéleront si la pression européenne peut fissurer la résistance des producteurs, ou si le 1,5 °C restera un objectif inaccessible, victime de l’inertie économique.