Le Président de la Région Hauts-de-France était en commission plénière ce jeudi 20 novembre 2025. Le développement durable et les violences faites aux femmes parmi les grands sujets abordés. Sa politique régionale est-elle un levier pour ses ambitions présidentielles ? Il nous a accordé un entretien.
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En décembre 2025, cela fera 10 ans que Xavier Bertrand dirige la Région. Ce jeudi 20 novembre, nous avions pris rendez-vous en fin d’après-midi au siège de la Région Hauts-de-France à Lille, en marge de la commission plénière.
France 3 Hauts-de-France : Xavier Bertrand, vous publiez « Rien n’est jamais écrit ». Vous ne cachez pas votre ambition présidentielle pour 2027. La région Hauts-de-France est-elle un champ d’expérimentation, un laboratoire pour vous ?
Xavier Bertrand : On n’est pas dans un laboratoire, mais c’est vrai que, depuis 10 ans, j’adore cette fonction de Président de Région. C’est ma région. Il n’était pas écrit que je sois à la tête de la région. Je suis né dans le Grand Est, en Champagne Ardenne. Quand je suis arrivé à Saint-Quentin, j’avais 13 ans. Il n’était pas écrit que je devienne député ou ministre. Mon ambition, c’était de devenir maire de Saint-Quentin. Il n’était pas écrit que je serai à la tête de la région, parce qu’il n’était même pas écrit que la grande Région existerait. Il y avait la Picardie d’un côté et le Nord Pas-de-Calais de l’autre. Donc rien n’est jamais écrit. Comme il n’était pas écrit que j’allais avoir un tel enthousiasme pour cette Région.
Il y a 3 grandes compétences dans la Région. Il y a l’économie et c’est vrai qu’on est en train de transformer l’économie. (…) On a les lycées, on a les transports et vous connaissez aussi mon attachement à la culture. L’avantage qu’il y a, c’est que j’ai une vraie liberté. Les seules contraintes que j’ai, c’est ce que le budget ne permet pas de faire ou ce que la loi m’interdirait de faire – j’aimerais agir plus sur le logement, sur la santé – mais je dois rendre des comptes à 6 000 000 d’habitants de la région.
Je mène avec mon équipe cette politique librement, mais je sais aussi pertinemment que, si vous voulez mettre un terme à l’impunité qui empêche les gens de vivre en sécurité, ça n’est pas la Région qui peut le faire. C’est au sommet de l’État qu’on peut le faire. Si on veut aller beaucoup plus loin que ce que je fais pour les classes moyennes, pour aider ceux qui travaillent – on a ici les gens qui prennent le train, qui prennent leur voiture, on finance une partie du permis à des jeunes qui veulent travailler – ce que je fais, ça n’est pas suffisant pour moi. Il faut aller beaucoup plus loin.
Si je veux qu’on ait des systèmes de santé de qualité, une école, une politique de logement beaucoup plus forte, c’est au niveau national que ça se joue. Quand on veut vraiment changer, améliorer la vie des gens, ça n’est pas seulement une région qui peut le faire.
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« Je dois rendre des comptes à 6 000 000 d’habitants de la région » nous dit Xavier Bertrand.
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France 3 Hauts-de-France : A la tête de la Région, vous avez aiguisé vos discours, vos armes face au RN. Pas plus tard que ce jour en plénière face à Sébastien Chenu. Cette opposition frontale au RN vous a déjà coûté un poste de Premier ministre. Peut-elle être un obstacle dans votre ambition présidentielle ?
Je sais que c’est une conviction profonde. Je combats, et LFI, et le Rassemblement national. Pourquoi je les combats ? Je n’aime pas ceux qui divisent les Français. Ce matin dans l’hémicycle encore une fois, Monsieur Chenu (ndlr conseiller régional RN), c’est la confusion. Il fait l’amalgame entre les musulmans et les islamistes. Moi, je ne fais pas la confusion. Quel que soit votre prénom, votre couleur de peau, votre religion, vos origines, vous devez être respecté. Et eux, ils font des différences.
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Le Président des Hauts-de-France mène depuis longtemps un bras de fer contre le Rassemblement national au sein de l’hémicycle régional. Dernière joute en date ce jeudi 20 novembre 2025 face à Sébastien Chenu au sujet du financement du lycée Averroès.
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Et puis il y a des différences profondes sur la science, la culture – ils veulent de la censure – sur la santé publique, sur l’économie. La différence est énorme et je ne veux pas qu’on fracture davantage un pays fracturé. Moi, je veux rassembler et unir.
J’agirai toujours selon mes convictions. Madame le Pen a mis son veto (ndlr : en s’opposant à la nomination de Xavier Bertrand comme Premier Ministre) et, à l’époque, tout le monde a tremblé devant elle. Comme aujourd’hui, tout le monde tremble devant Monsieur Bardella. Il est haut dans les sondages, tout le monde se dit « Oh là c’est lui qui va gagner, faut rien dire ».
Monsieur Bardella a 30 ans, c’est l’âge de ma fille. Un âge où l’on peut avoir de formidables compétences, un dynamisme comme ce n’est pas permis, on peut réussir dans des entreprises. Mais là, il s’agira de diriger la 7e puissance mondiale. (…) Il faut être sérieux. Ce que je dis, il y a plein de gens qui le pensent, mais il y en a beaucoup qui ont la trouille. Moi, je le dis.
Et tant pis si ça vous coûte l’Élysée ?
Je dirais toujours les choses telles que je les pense. On me dit « Au final, t’es rond, mais t’es pas si rond que ça, t’es carré ». Je dis les choses telles que je les pense. Quoi que ça me coûte. Je pense qu’il faut toujours être en cohérence avec soi-même.
Il y a des époques. Vous savez où je faisais gaffe à ce que je disais. C’étaient les années où j’étais ministre. Je ne voulais pas être débarqué. Je voulais enfiler un costume qui n’était pas le mien. Et ce qui m’a sauvé, ce sont les gens de Saint-Quentin en 2012 aux législatives, je le raconte dans ce livre. Lors des élections régionales de 2015, les gens m’ont dit « On va peut-être te donner une dernière chance et te faire confiance ». Ça, ça ne s’oublie pas.
France 3 Hauts-de-France : En commission plénière ce 20 novembre 2025, il a été beaucoup question d’économie circulaire, de développement durable. Un plan a été voté. Pour rappel, 30 000 emplois sont annoncés d’ici 2030. Est-ce qu’on va assez loin ?
Xavier Bertrand : Aujourd’hui, dans le cadre des enjeux liés aux défis climatiques, Rev 3 comme on l’a appelé depuis plus de 10 ans, il y a le canal Seine Nord Europe, c’est la décarbonation logistique. Il y a les EPR2, c’est la décarbonation de l’énergie. Il y a les batteries électriques, la décarbonation de l’industrie automobile. Et il y a tout ce qui est industrie circulaire. Je voudrais qu’on aille beaucoup plus loin en termes de recyclage, en termes de traitement des déchets.
Il y a des emplois à la clé. L’avantage, c’est que ce sont des unités, des entreprises qui peuvent s’installer partout sur le terrain. Pas seulement dans les métropoles, mais aussi dans les endroits où le chômage est assez important. On va faire l’effort de former notamment des demandeurs d’emploi.
C’est ce qui va nous permettre à la fois de relever les défis du changement climatique, mais également de faire reculer le chômage. Je crois dur comme fer à ce potentiel. Pour ne rien vous cacher, il y a des entreprises locales qui sont déjà intéressées par cette nouvelle feuille de route. J’ai des investisseurs étrangers qui s’intéressent aussi à ce secteur //
France 3 Hauts-de-France : Le développement durable a également ses questions d’actualité. On pense évidemment au géant de la sidérurgie ArcelorMittal, un enjeu de la décarbonation dans notre région. Décarbonation à la peine aujourd’hui. Des députés proposent une nationalisation pour soutenir le financement de cette décarbonation. Pour ou contre ?
Xavier Bertrand : Il faut faire bouger Arcelor. Et si pour faire bouger Arcelor, il faut qu’il craigne qu’il y ait nationalisation partielle, tout est sur la table. Tout.
Aujourd’hui Arcelor nous dit, nous à la Région, « On ne peut pas décarboner, on ne peut pas faire l’investissement, parce qu’on ne sait pas si ce qui sera produit en Europe va être protégé ». Donc, il fallait une clause de sauvegarde pour qu’on protège le marché européen. On s’est battu avec Patrice Vergriete (ndlr maire de Dunkerque), avec des députés, et on l’a obtenu de Stéphane Séjourné (ndlr commissaire européen à l’industrie).
Et là, Arcelor vient « Ah bah c’est plus compliqué ». On leur dit : « Ben, vous vous foutez de nous là ? ». A un moment, il faut y voir clair. Dans quelques années, Arcelor peut nous dire que ça ne l’intéresse plus de produire à Dunkerque. Ou alors, ils peuvent faire semblant de rester mais ne plus produire.
Nous, pourquoi on a besoin d’acier ? Que ce soit pour des avions, des trains, des voitures, pour l’acier des batteries, si jamais ils partent, on fait comment ? Et si vraiment ils veulent partir, il faudra qu’on trouve le moyen de faire une filière européenne, pas seulement française.
Et si ça doit passer, comme en Angleterre, par des mesures comme une nationalisation partielle, provisoire, temporaire… il ne doit pas y avoir de tabou. Je préférerais qu’Arcelor tienne ses engagements – ça éviterait de sortir de l’argent public – mais il faut peut-être se dire qu’ils n’ont pas envie de tenir leurs engagements. Et dans ce cas-là, il faut un plan B. Il y a peut-être des solutions meilleures que la nationalisation partielle ou provisoire. J’y travaille, mais je pense qu’il faut montrer à Arcelor qu’on est très déterminé à garder de l’acier. Avec eux ou sans eux.
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Le Président des Hauts-de-France veut que « tout soit sur la table » pour protéger la production d’acier en France et en Europe.
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France 3 Hauts-de-France : En commission plénière ce 20 novembre 2025, il a été question des violences faites aux femmes. Les chiffres sont alarmants dans la Région. Est-ce que c’est l’un de vos regrets en 10 ans à la tête de cette région ?
Xavier Bertrand : Le problème, c’est qu’on n’a pas cette compétence. Qu’est-ce qu’on fait quand on n’a pas cette compétence ? On peut financer les associations. Je crois que c’est un peu plus de 180 000€ qu’on verse chaque année sur les centres d’information pour agir en faveur des femmes, pour lutter contre ces violences.
Comme je n’ai pas cette compétence d’ailleurs, on pourrait très bien me dire que je ne dois pas verser cette somme. Je continuerai à le faire. À Pont-Sainte-Maxence, avec Arnaud Dumontier (ndlr maire de Pont-Sainte-Maxence dans l’Oise), on a vu comment des femmes pouvaient trouver un logement. Ça n’est pas normal que ce soit elle qui quitte le domicile familial, mais parfois, pour se reconstruire et pour se former, on fait aussi ces actions-là.
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Le 25 novembre se tiendra la journée de mobilisation contre les violences faites aux femmes.
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Il y a aussi d’autres sujets sur lesquels je n’ai pas de compétences, notamment la précarité étudiante. Le système des bourses en France, il est à revoir de fond en comble. J’ai des étudiants qui ont les pires difficultés à se loger et à se nourrir. On avait mis en place des actions. L’État a pris le relais, ça n’est pas suffisant.
Là aussi, je cherche des solutions, mais si j’avais cette compétence, si j’avais cette possibilité à la tête d’un gouvernement ou de l’État, je peux vous garantir qu’on ferait beaucoup mieux que ce que l’on fait actuellement.
>> Retrouvez l’ensemble de cet entretien sur YouTube :
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Au cœur de nos échanges : l’économie circulaire, ArcelorMittal à Dunkerque, les violences faites aux femmes, le Rassemblement national et la Présidentielle 2027.
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