Tommy Recco, l’assassin de trois employées du Mammouth de Béziers, en décembre 1979, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi 21 novembre à l’âge de 91 ans. Il était incarcéré depuis 1980 et était le plus ancien détenu de France. Guy Maurel, le mari d’une des trois victimes de Béziers, qui a voué sa vie au combat contre Recco, réagit.
« Recco est mort. » Malgré la maladie qui l’a beaucoup affaibli, on sent, dans ces quelques mots, une forme de jubilation de la part du Biterrois Guy Maurel. À un mois près, cela fera 26 ans que Recco a assassiné son épouse, Sylvette (27 ans), d’une balle dans la tête, le 20 décembre 1979 dans le Mammouth de Béziers. Tommy Recco est décédé dans la nuit de ce jeudi à vendredi 21 novembre, à Salon-de-Provence. Il avait été transféré de sa prison de Borgo au mois de septembre dernier pour raison de santé et Guy Maurel redoutait qu’il soit libéré.
« Oui, c’est une satisfaction de savoir qu’il n’est pas mort libre. Oui, je suis content, mais peut-on se réjouir de la mort de quelqu’un ? Et a contrario j’ai un regret. Je n’ai jamais pu le rencontrer. J’aurais tant aimé qu’il me dise comment il avait fait rentrer ma femme dans cette pièce où il les a tuées toutes les trois. Je crois que j’aurai pu l’agresser pour le lui faire avouer. Vous savez, quand j’ai su qu’il était hospitalisé, j’ai même imaginé me déguiser en médecin pour aller le voir sur son lit d’hôpital », ressasse Guy Maurel. Un Guy Maurel qui a toujours dit que si Recco sortait, il lui réglerait son compte, quitte à aller en prison à son tour : « cela me fait plaisir qu’il soit mort. Cela m’évite d’aller le foutre en l’air s’il avait été libéré pour cause de maladie… C’est terrible, mais j’ai le sentiment d’avoir été toute ma vie prisonnier de ce drame. Sa mort m’a enlevé la possibilité de lui parler. »
Quand j’ai su qu’il était hospitalisé, j’ai même imaginé me déguiser en médecin pour aller le voir sur son lit d’hôpital.
Aux côtés de Guy Maurel, son frère, Serge, mais aussi sa fille, Sylvie. Elle avait six ans le jour du drame. « Vous vous rendez compte que si la grand-mère de la petite n’avait pas oublié son portefeuille, elle serait morte, elle aussi. Elle avait pour habitude de rejoindre sa mère, avec sa grand-mère, en fin de journée et allait toujours avec elle remettre sa caisse à la salle des coffres. » La voix du septuagénaire s’étrangle. Et il répète : « il me manque de savoir comment elle s’est retrouvée là ce jour-là. J’ai l’impression qu’on ne m’a jamais dit la vérité. »
« Maman a toujours été là avec nous »
Guy Maurel prend une profonde respiration : « la dernière fois que j’ai vu ma femme, c’était sur Midi Libre. Vous aviez publié une photo des trois victimes, face au sol, allongées dans la salle des coffres. C’était en 1979. » Sylvie prend le relais. Elle est, elle aussi, très émue et a les yeux pleins de larmes : « papa a toujours été là pour moi. Mais ce n’est pas évident de vivre avec une telle histoire. Il s’est remarié, j’ai eu un frère, mais maman a toujours été là avec nous. Il s’est battu pour moi quand une psy a décidé de me placer. Il leur a dit « J’ai perdu ma femme et vous voulez m’enlever ma fille. Jamais. » Et je suis restée avec lui.
« Ce matin, en apprenant la mort de Recco, j’ai pleuré et même mon frère qui n’a pas connu maman. Je n’avais jamais imaginé que cette histoire l’avait touché autant. Recco, ça a été le combat de sa vie. Il s’est battu comme personne pour qu’il reste enfermé jusqu’au bout. » Et Sylvie Maurel de rappeler : »dans cette affaire, on a oublié beaucoup de monde, mon oncle, mes grands-parents. Ils ont tant souffert de tout ça. Aujourd’hui, c’est terminé. »
Très proche de la famille des autres victimes de Recco
Depuis 1979, tous les dimanches, Guy Maurel va au cimetière Neuf de Béziers, sur la tombe de son épouse. Il a aussi tissé des liens très forts avec les familles des deux autres victimes, Renée Chamaillou, morte à 28 ans, et Josette Alcaraz, à 27 ans. Henriette Alcaraz, la mère de Josette, est décédée le 19 septembre dernier, à l’âge de 102 ans et quelques mois. Elle allait tous les jours voir sa fille au cimetière de Poilhes. « Il ne reste plus que moi. » Guy Maurel s’adresse à son frère : » Nous allons aller les voir, tous, au cimetière, à Poilhes et à Sauvian, je vais aller leur dire que c’est terminé, qu’il est mort. » Et à sa fille : »On va aller la voir tout à l’heure (ce vendredi) pour le lui dire. »
Guy Maurel n’est pas en forme, mais il est toujours combatif. Et dans ses yeux bleu acier, on peut encore deviner cette rage qui l’anime et qui l’a aidé toute sa vie. « J’ai un souhait. Je veux aller à Propriano, sur la tombe de Recco. Pas pour les obsèques, plus tard. Je veux voir la photo de ce mec avec tous les siens, être certain qu’il est bien là. Je lui cracherai dessus. Ça mettra peut-être un point final à cette torture. »