Élevé dans une famille catholique – père italien, mère afro-américaine – Rammellzee s’immerge très jeune dans la scène hip-hop. « Très rapidement, il s’empare de cette culture, la théorise, la poétise, notamment à travers un traité qu’il rédige à 19 ans et autopublie », retrace Cédric Fauq, commissaire en chef des expositions du CAPC, qui signe cette ambitieuse présentation avec Hugo Vitrani, curateur au Palais de Tokyo.

L’exposition « Rammellzee, Alphabeta Sigma (Face B) » est à découvrir jusqu’au 15 avril au CAPC musée d’art contemporain à Bordeaux.
GUILLAUME BONNAUD / SO
Le manifeste tapisse les murs de l’entrée des galeries du rez-de-chaussée. « Un texte fondateur, poursuit Cédric Fauq, où se déploient exercices calligraphiques et concepts qui irrigueront toute son œuvre, au premier rang desquels le Gothic Futurism. » Lequel revendique un double héritage entre les moines copistes médiévaux qui ont développé des écritures ornées et complexes, et le futurisme italien, qui célébrait vitesse, machine et guerre. Le tout pour l’appliquer aux graffiti writers, ces pionniers du tag new-yorkais.

L’exposition « Rammellzee, Alphabeta Sigma (Face B) » est à découvrir jusqu’au 15 avril au CAPC musée d’art contemporain à Bordeaux.
GUILLAUME BONNAUD / SO
Lettres-armes et piratage visuel
Chez Rammellzee, l’alphabet cesse d’être un outil de communication pour devenir un système d’armement symbolique : des lettres-équations, mi-algorithmes mi-grimoires, qui ne décrivent plus le monde mais le piratent. Une approche iconoclaste qui contamine tous les médiums : rap, performances, sculpture, peinture, joaillerie, jouets… et qui marque profondément ses contemporains.

L’exposition « Rammellzee, Alphabeta Sigma (Face B) » est à découvrir jusqu’au 15 avril au CAPC musée d’art contemporain à Bordeaux.
GUILLAUME BONNAUD / SO
La première partie de l’exposition déroule cette constellation où les œuvres de Rammellzee côtoient une quarantaine de personnalités : Jean-Michel Basquiat (qui le portraiture et produit son premier disque), Jim Jarmusch (qui l’invite dans « Stranger Than Paradise »), Madonna, sans oublier les figures légendaires du graffiti new-yorkais : Phase 2, Dondi White, Snake I, Coco 144, Futura 2000… ou Gordon Matta-Clark, dont les premières photos de tags l’amèneront à créer les célèbres « Building Cuts ». Jusqu’aux affinités contemporaines : Arthur Jafa, Jenny Holzer.
À l’étage, sous lumière noire, la seconde partie plonge dans le noyau incandescent de son œuvre. Autour de sa pièce maîtresse – « Gasholear », fascinant exosquelette sculpté doté de systèmes de défense pyrotechnique et sonore – se déploient peintures fluo, sculptures et vidéos où Rammellzee incarne lui-même ses créatures.