Un signal de plus, dans l’inexorable dégradation sécuritaire au Mali. La France a annoncé ce vendredi qu’elle allait réduire sensiblement ses personnels à Bamako, la capitale, de plus en plus étouffée par un blocus des djihadistes du JNIM (groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), affilié à Al-Qaïda. La liste nominative des fonctionnaires concernés était en cours de finalisation ce vendredi soir.
Selon nos informations, entre un quart et un tiers des effectifs (les expatriés, pas les employés locaux) de l’ambassade et du Consulat général sont concernés. Soit une douzaine de personnes. Ils prendront l’avion du retour vers la France dans les prochains jours. Les établissements scolaires aussi sont concernés. Sept au total, des plus petites structures (l’école Les Lutins, Les Angelots…) au plus important : le lycée français Liberté de Bamako.
De moins en moins de Français au Mali
C’est dans la grande salle du centre de crise et de soutien (CDCS), au ministère des Affaires étrangères, que la décision a été actée la veille, en présence de diplomates, militaires, responsables du renseignement et représentants de l’exécutif.
Depuis que la France n’est plus la bienvenue au Mali (les derniers soldats en sont partis en 2022), Paris déconseille à ses ressortissants de se rendre au Mali. En cinq ans, la moitié est partie. Un peu plus de 4 000 sont restés, en majorité binationaux, dont les attaches locales sont très fortes.
Le 7 novembre, Paris avait appelé les Français à quitter temporairement le Mali par les vols commerciaux (ceux de Corsair notamment, Air France n’assurant plus de liaisons avec Bamako). Un palier ― trigger (déclenchement), dit-on dans le jargon diplomatique ― supplémentaire a été franchi ce vendredi, après analyse de la situation sécuritaire au Mali. Mercredi, le JNIM ― qui impose un blocus sur les importations de carburant ― a annoncé renforcer son siège de la capitale, paralysant l’économie du pays sahélien enclavé. Comme un lacet qui l’étoufferait un peu plus chaque jour.
« Grande vigilance »
Les camions semblaient être un peu de retour à Bamako ces derniers jours, mais le mirage devrait donc être de courte durée. L’objectif affiché des djihadistes est de faire tomber la junte militaire du président Goïta, au pouvoir depuis deux coups d’État successifs en 2020 et 2021. Jusqu’ici, le JNIM n’a pas ciblé les Français. S’ils le faisaient, ce serait le chant du départ immédiat : les islamistes ont fait preuve jusqu’ici d’une transparence encore jamais démentie, constate une source diplomatique. En clair, ils font ce qu’ils disent.
Pas question pour le gouvernement de créer un effet de panique. La situation, estime un fin connaisseur du Sahel, ne justifie pas pour le moment le déclenchement de mesures d’urgence. Mais l’heure est à la « grande vigilance ». Au CDCS, dont la mission première est de protéger les Français dans le monde (expatriés, touristes…), la gestion se fait étape par étape, dans une logique d’anticipation. « Ni trop tôt ni, surtout, trop tard », a-t-on l’habitude de dire au Quai.
Si la situation devait se dégrader brutalement, la réussite d’une évacuation d’urgence (voire d’une extraction militaire en cas de danger absolu) ne pourrait être menée à bien que s’il n’y a pas trop de ressortissants à « sortir ». C’est dans cette logique « peau de chagrin » que la France avance sur une ligne de crête, poussant peu à peu les uns et les autres au retour.
Car au Mali, rien n’est simple. Faute de littoral, aucune opération maritime ― comme à Haïti en 2024 ― n’y est possible. Quant aux voies terrestres, notamment celles qui mènent à l’Ouest vers le Sénégal, elles sont toutes contrôlées par le JNIM.