FIGAROVOX/HUMEUR – Le gouvernement souhaite réviser dès 2026 le calcul de la taxe foncière en ajoutant des « m² fictifs » pour six éléments dits «de confort», tels que la présence d’eau courante ou de lavabos dans le logement. L’enseignante Ophélie Roque raille cette réforme, absurde et inéquitable.

Ophélie Roque est professeur de français en banlieue parisienne. Elle a notamment publié Antisèches d’une prof. Pour survivre à l’Éducation nationale (Les Presses de la cité, 2025).

Il y a de ces projets de réforme qui, à peine annoncés, parviennent – tout de suite – à sidérer le chaland. Le dernier en date en fait assurément partie. Il faut croire que le ministère de l’Économie et des Finances, décidément à la recherche du moindre sou, devient à court d’idées sur la manière de racketter le contribuable. La dernière lubie en tête mise tout et ne vise à rien moins que modifier les modalités de calcul de la taxe foncière. Et ce dès 2026 ! En langage administratif, on parle d’une « volonté de fiabiliser les bases foncières ». Comme en des termes précieux ces choses-là sont joliment dites ! Quel beau pays que le nôtre où le rançonnage, comme le ridicule, sait se faire si précieux !


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Concrètement, qu’est-ce qui nous attend ? Ici l’objectif est d’enrichir le cadastre de six « éléments de confort » souvent apparus au cours des soixante dernières années. Pour la seule métropole, près de 7,4 millions de logements seraient concernés (soit 10 % du parc immobilier taxable). En gros, si vous avez acheté un bien dont la construction remonte aux calendes grecques (j’exagère un tantinet, disons dont l’existence est antérieure à la Seconde Guerre mondiale) vous êtes susceptible d’être impacté par cette réforme qui devrait rapporter – selon les premières estimations – la bagatelle de 466 millions d’euros.

Là où la chose devient étrange, c’est que ces six « éléments de confort » seront comptabilisés comme des mètres carrés fictifs. Et que personne ne se fasse de faux espoirs en croyant naïvement pouvoir échapper à ce nouveau brigandage ! Vous serez tous concernés tant la notion de confort est finalement plus proche du concept de première nécessité qu’autre chose. Penchons-nous en détail sur ces mesures : le raccordement à l’eau courante équivaudrait à 4 m² supplémentaires, le raccordement à l’électricité à 2 m², la présence d’une baignoire à 5 m², une douche équivaudrait à 3 m² tout comme les WC en intérieur, chaque lavabo compterait pour 2 m² ainsi que chaque pièce disposant d’un chauffage ou d’une clim. Autant d’opulentes commodités qui serviront à gonfler le prix à payer.

Amélie de Montchalin, pas la dernière à sortir une merveille, évoque une « question d’équité et d’efficacité » afin « que chacun puisse payer selon le type de logement qu’il détient ».

Ceci dit l’État, toujours magnanime, nous fait une fleur et nous promet de ne se pencher que sur les logements estampillés « luxueux » jusqu’aux « ordinaires » et de fermer les yeux sur les biens délabrés et/ou non réhabilités. Merci à vous Monseigneur de ne point vous abaisser jusqu’à aller inspecter notre si indigne mansarde ; à toutes fins utiles nous vous précisons que la niche du chien (aussi) est dépourvue d’un climatiseur.

Je me suis amusée à calculer le gain en m² d’un jeune propriétaire venant tout juste d’acheter une studette de 13 m² à Paris avec : branchement au réseau d’eau courante, raccordement électrique, présence d’une douche et d’au moins un lavabo ainsi que d’un pauvre grille-pain comptabilisé comme un radiateur (heureusement pour lui, les WC sont à l’extérieur !). Si l’on prend en compte l’entièreté de ce luxe insensé nous parvenons rapidement à l’addition suivante : 4 m² + 2 m² +3 m² + 2 m² + 2 m² + 0 m² (bénis soient les sanitaires sur le palier) = 13 m² en plus ! Selon la sainte loi de la taxe foncière vous n’êtes plus le maigrelet propriétaire d’une simple studette mais vous touchez presque au statut de rentier puisque vous voilà propriétaire d’un 26 m² en la capitale. Ce n’est pas rien, c’est même énorme ! L’État vient de vous offrir 13 m² supplémentaires, soit le double de votre taudis ! Merci à toi patrie aux mamelles nourricières jamais taries ! L’enfant reconnaissant te salue.

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En revanche, vous avez acheté une vieille grange en belles pierres de taille pour la retaper ? Grave erreur ! Amélie de Montchalin, pas la dernière à sortir une merveille, évoque une « question d’équité et d’efficacité » afin « que chacun puisse payer selon le type de logement qu’il détient ». Qu’avez-vous besoin de sanitaires (bourgeois que vous êtes) quand un simple trou au sol suffit ? Certes ceci favorise la propagation du choléra mais la question n’est pas là ! Surtout qu’en termes d’impositions saugrenues la France s’est toujours bien classée, pas une époque n’a su échapper au ridicule de l’impôt. Des taxes en veux-tu en voilà et sur tout et n’importe quoi. Avec parfois des effets visibles sur le très long terme.


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Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi il y avait autant de fenêtres condamnées sur les façades de nos vieux immeubles ? Tout simplement parce que, de 1798 à 1926, a couru l’impôt sur les portes et fenêtres. Plus votre logis comportait d’ouvertures sur l’extérieur, plus le prix à payer se faisait exorbitant, ce qui a valu à beaucoup de nos bâtiments d’être impitoyablement éborgnés. À la hâte, les fenêtres furent rebouchées et les portes non nécessaires murées. On vivra dans le noir mais, tant pis, on vivra riche. Ah ça ira, ça ira, ça ira, c’est autant ça que l’Etat n’aura pas !