Parler du problème, c’est déjà commencer à le résoudre. Jeudi 20 novembre, une centaine de fonctionnaires de l’administration pénitentiaire s’est réunie dans l’hémicycle de Rennes métropole pour discuter d’un phénomène tabou : la corruption. « Les agents n’en parlent jamais car ils peuvent craindre de paraître faibles auprès de leur hiérarchie », a expliqué Yann Philippe, sous directeur des acteurs publics de l’Agence française anticorruption. « Il faut au contraire libérer la parole pour faire circuler l’info et éviter que d’autres fonctionnaires soient approchés. »

Durant toute la journée, le personnel pénitentiaire venu notamment du grand Ouest a été sensibilisé au problème. « De toutes les administrations régaliennes, la pénitentiaire la plus exposée car elle est au contact quotidien et prolongé avec des gens condamnés », a ajouté Yann Philippe.

Durant la matinée, des policiers, douaniers ou fonctionnaires du Fisc ont notamment partagé leurs pratiques avec les agents pénitentiaires et dressé un état des lieux de la corruption dans leurs services.

« En France, cela demeure un phénomène très marginal. Sur tous les sujets d’atteinte à la probité : corruption, trafic d‘influence, prise illégale d’intérêt, favoritisme, détournement de fonds publics. Vous avez environ 300 affaires par an en France, a ajouté Yann Philippe. Si on prend l’administration pénitentiaire, qui est la plus touchée des administrations régaliennes, vous avez deux condamnations par an pour 10 000 agents. Mais souvent ses affaires sont très médiatisées, l’opinion publique a tendance à penser que c’est un phénomène important. Ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas continuer à travailler sur le sujet. L’État s’est d’ailleurs doté le 14 novembre dernier d’un plan pluriannuel de lutte contre la corruption afin de combattre de manière sérieuse le phénomène. »

Toutes les administrations ont récemment fait de la consultation de fichiers leur cheval de bataille contre les atteintes à la probité de faible intensité. « C’est notre angle mort, a soufflé Jean-Marc Milliot, sous directeur à l’académie de police. On ne peut pas renseigner un proche sur les antécédents judiciaires de son voisin. Avant on faisait sauter les PV au titre de l’indulgence, ça pouvait aussi être une monnaie d’échange pour obtenir un petit cadeau ou des informations… Avec l’informatique, c’est devenu plus difficile. »

Comportement irréprochable

Sur les 914 enquêtes judiciaires menées par l’inspection générale de la police en 2024. 66 l’étaient pour atteinte à la probité, 93 pour violation du secret professionnel et 75 pour détournement de fichiers. » À cela s’ajoutent des enquêtes administratives qui, elles aussi, ont débouché sur des sanctions. « On demande aux fonctionnaires d’avoir un comportement irréprochable même sur leur temps personnel. »