Par
Léa Pippinato
Publié le
22 nov. 2025 à 12h55
L’incendie a éclaté entre jeudi 20 et vendredi 21 novembre vers 2h30. Deux individus encagoulés et armés ont aspergé d’essence l’épicerie « Alimentation générale La Tour », rue du Grau, avant d’y mettre le feu. Un homme est mort dans le commerce. Un autre a réussi à s’échapper mais souffre de brûlures et d’une intoxication aux fumées.
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Les agents du centre de supervision urbaine (CSU) ont visionné les images de vidéo-protection de la Ville, exploitées par le SIPJ (service interdépartemental de la police judiciaire). Les deux services ont repéré deux individus, alors que le survivant ne mentionnait qu’un seul agresseur. Un suspect de 21 ans a été interpellé une heure après les faits. Un jerrican se trouvait dans son véhicule.
Dans un communiqué, le procureur de la République de Montpellier, Thierry Lescouarc’h, a confirmé l’ouverture d’ »une enquête judiciaire des chefs de meurtre et tentative de meurtre en bande organisée et destruction par un moyen dangereux ». Il indique que « des constatations ont été menées sur place », que « des exploitations techniques et des auditions de témoins sont en cours », et qu’ »une autopsie de la victime a été ordonnée. »
Une agression au couteau 500 mètres plus loin
À 2h30, plusieurs habitants de la rue du Grau ont composé le 17. Ils ont décrit des flammes intenses et la présence possible d’une personne piégée dans l’épicerie. Le commerce se trouve au pied de la tour Saint-Martin, secteur miné par un point de deal ancien. L’intervention rapide des pompiers n’a pas permis de sauver la victime coincée dans le local.
À la même heure, un autre épisode violent s’est produit dans une seconde épicerie. Un homme a fait irruption dans « Alimentation générale », au 723 de l’avenue du Maréchal-Leclerc. Il a poignardé un Montpelliérain de 18 ans aux jambes avant de s’enfuir. La victime a été évacuée vers l’hôpital Lapeyronie. Ses jours ne sont pas en danger. Cette épicerie se situe à 500 mètres de celle incendiée. Elle se trouve aussi à côté du commerce attaqué le 7 novembre par deux hommes encagoulés et armés, qui avaient menacé des clients puis mis le feu à l’établissement. Les autorités n’établissent aucun lien avec l’incendie mortel pour l’instant, mais la coïncidence interroge.
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Le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, a évoqué sur X « un règlement de compte et une intimidation en lien avec le narco-trafic ». Il dénonce des commerces qui « blanchissent l’argent de la drogue » et affirme : « La République ne peut se laisser intimider. » Il annonce que la police municipale reste mobilisée aux côtés de la police nationale. Un rassemblement était prévu ce samedi 22 novembre à 12h30 sur le parvis de l’Hôtel de Ville.
La longue alerte de Bruno Bartoccetti
Le secrétaire général zone Sud du syndicat Un1té, Bruno Bartoccetti, analyse la situation à l’échelle régionale. Pour lui, « on est touché par les raquettes, les stups, l’extorsion de fonds, le blanchiment d’argent dans les commerces, épiceries et barbiers. » Il observe une explosion du nombre d’établissements servant de façades : « Ces 15 dernières années, il y en a 10 fois plus. » Il voit dans l’incendie de Saint-Martin une méthode connue, « celle du système mafieux. Où la personne n’a pas honoré ses dettes. Où il y a eu une trahison. »
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Il déplore le manque d’effectifs : « En France, on a le même nombre de policiers qu’il y a 25 ans. » Montpellier a pourtant atteint près de 400 000 habitants avec la métropole, et subit des pics estivaux de 100 000 à 150 000 personnes supplémentaires. Selon lui, les prétendus renforts ne sont que des remplacements de départs à la retraite. Il estime que les fermetures administratives, même plus nombreuses — environ 120 dans l’Hérault en septembre — restent limitées. « Si un gérant ouvre trois adresses plus loin, on l’aura gêné mais pas arrêté. » La seule stratégie efficace consiste, selon lui, à viser directement les réseaux : « C’est le responsable qu’on doit faire tomber. » Il insiste sur la nécessité de renforcer les officiers de police judiciaire et les magistrats, indispensables pour les enquêtes longues.
Il identifie la clé de voûte du système : « Le nerf de la guerre, c’est l’argent. C’est le blanchiment. » Pour lui, seule une lutte financière déterminée peut affaiblir durablement ces organisations. La prison ne les effraie pas : « C’est la routine, le prix à payer. » Concernant la création d’un parquet national du narco-trafic, il nuance : « On ne peut pas comparer le narcotrafic avec le terrorisme. » Il estime qu’un tel parquet traiterait les plus grandes affaires, mais pas les dossiers quotidiens qui gangrènent des villes comme Montpellier.
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