« On est là, même si les machos ne veulent pas nous, on est là !  » Une vague violette déferle sur Nice. À l’appel du Collectif droits des femmes 06 (1), le cortège défile pour dénoncer les violences à l’égard des femmes ce samedi 22 novembre. Sur les visages : gravité, colère mais aussi ténacité. « Les chiffres sont éloquents : 149 féminicides depuis janvier. Le nombre ne faiblit pas, après deux quinquennats qui en ont fait une grande cause », constate Solène, 29 ans, membre du CDDF.

« Toutes les 7 heures, il y a une femme que son conjoint ou ex-conjoint tue, tente de tuer, conduit à se suicider ou à tenter de se suicider », précise la lettre annuelle de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, qui dépend de la Miprof.

Les statistiques avancées dévoilent l’ampleur d’un phénomène profondément établi. « Une femme sur cinq en situation de handicap a été victime de viol », « plus de 8 000 viols ou tentatives de viol ont lieu chaque année sur les lieux de travail, un tiers des femmes y subissent du harcèlement sexuel », « 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, en majorité au sein de la famille ».

Un constat alarmant qui concerne tout le monde, tous les milieux sociaux, toutes les zones géographiques, comme le rappellent les personnes mobilisées, plus de mille selon les organisations. Et en face, toujours le même bilan : « L’impunité règne pour les auteurs. » Le slogan scandé parle de lui-même : « Violeurs, on vous voit, victimes on vous croit. »

Manif contre les violences faites aux femmes

Manif contre les violences faites aux femmes
Vignola François

Huit ans après l’accession à l’Elysée d’Emmanuel Macron, les associations féministes ne mâchent pas leurs mots contre la politique menée par le chef de l’Etat.

« Il faut des moyens à la hauteur »

Le pavé de l’avenue Jean-Médecin est battu pour réclamer « une politique publique à grands moyens » afin de lutter contre le fléau dénoncé.

Les revendications ? Politiques, sociétales.

En plus de réclamer « la régularisation des personnes sans papiers », les collectifs enjoignent l’État à prendre le sujet de front via une loi-cadre intégrale contre les violences. Les associations et collectifs ont estimé la mise en place de ce dispositif global à trois milliards d’euros. « Il faut des moyens à la hauteur », indique Solene. Un budget permettant de traiter les situations de manière décloisonnée et pérenne. « Aujourd’hui, on sait que la loi-cadre fonctionne. Il suffit de regarder ce qu’il se fait en Espagne depuis vingt ans », indique Aleksandra du Collectif Nous Toutes de Grasse.

Pionnière sur la prise en charge des violences faites aux femmes depuis vingt ans, la péninsule ibérique fait figure de modèle. Mercedes, militante d’origine espagnole, ne comprend pas la frilosité de la politique française : « On voit les chiffres, il y a quatre fois moins de feminicides en Espagne qu’en France. En plus, le budget consacré est sanctuarisé. Quoi qu’il arrive, il n’est pas remis en cause.  » À la pointe, toujours, Madrid s’intéresse désormais aux violences vicariantes. Un avant-projet de loi a été approuvé le mois dernier pour créer un délit particulier pour les violences faites aux femmes « par procuration », où les auteurs n’hésitent pas à viser les enfants. Une notion encore loin d’être connue et démocratisée en France.

En 2024, 906 femmes victimes de harcèlement par leur conjoint ou ex-conjoint se sont suicidées ou ont tenté de se suicider, un chiffre en hausse de 17 % sur un an.

« Les associations pallient les manques de l’Etat »

« On ne naît pas femme mais on en meurt », « Forte comme une fille », « Victime on te croit ». Pour certains, c’est aussi le sentiment d’injustice qui prime. Malgré les engagements du ministère de l’Education nationale pour assurer la tenue des séances obligatoires d’éducation à la vie affective relationnelle (et à la sexualité à partir du collège et lycée), le compte n’y est pas. « Là aussi on rencontre d’importantes résistances », indique Ariane Kuttel, membre du Collectif. Un contexte complexe auquel viennent s’ajouter des coupes drastiques de subventions aux associations de terrain. « C’est toujours la même chose au final : qu’est-ce qu’on priorise ? Il faut rappeler que ces associations pallient les manques de l’Était », souligne Solene qui, comme chaque féministe, sait que la lutte est un long chemin.

Manif contre les violences faites aux femmes

Manif contre les violences faites aux femmes
Vignola François

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1. Le Collectif droits des femmes 06 est constitué de : À Corps Tribal, ADN, Alternatiba06, Alternative communiste 06, ATTAC 06,  Centre LGBTQIA+ Côte d’Azur, CGT Educ’Action 06, Collectif Queer 06, Elles voient Rouge, Ensemble ! Gauche Alternative, FPE 06, FSU 06, Le Mouvement de la Paix 06,  Europe Écologie Les Verts 06, Les Grenades Rouges, Les Ouvreurs, Les Parleuses, LFI 06, MRAP 06, Nice au cœur, Nous Toutes 06, NPA 06, Parti de Gauche 06, PCF 06, Planning familial 06, PS 06, Rassemblement citoyen ViVA !, RESF 06, SNUipp, Sud-Solidaires 06, Tous Citoyens, Une Voix pour Elles.