C’est un fait, il n’existe aujourd’hui nulle contrée capable de résister aux doubles champions du monde sud-africains. Cette saison, les Springboks ont infligé aux All Blacks la pire défaite de leur histoire (10-43, le 13 septembre). Puis ils se sont joués des Bleus, dans leur antre du Stade de France, malgré une longue infériorité numérique (17-32, le 8 novembre). Et voilà qu’ils ont fait tomber la dernière citadelle du rugby international, vainqueurs 24-13 à l’Aviva Stadium de Dublin, où l’Afrique du Sud n’avait plus gagné depuis 2012.
Était-ce seulement une bonne idée de faire résonner « Zombie », le hit des Cranberries, à tue-tête juste avant le coup d’envoi ? Peut-être voulaient-ils remémorer aux Springboks leur défaite face aux mêmes Irlandais (13-8, le 23 septembre 2023), en phase de poules de la Coupe du monde 2023. Ce jour-là, Rassie Erasmus était resté longtemps sur le terrain à écouter les supporters irlandais chanter, avec un arrière-goût âcre au fond de la gorge. Quelques semaines plus tard, les Boks avaient pourtant remporté un deuxième titre mondial consécutif face à la Nouvelle-Zélande (12-11).
Ce samedi, l’équipe sud-africaine a bien prouvé qu’elle était insensible aux perturbations sonores, en inscrivant rapidement un premier essai par Damian Willemse dès la 4e minute. Sitôt après avoir aplati, l’arrière a signifié un « chut » rageur, d’un index posé sur ses lèvres, aux chanteurs du public irlandais. Ce premier essai – clinique – était parti d’un geste défensif d’anthologie, un grattage signé Jasper Wiese dans ses 22 mètres, suivi d’une action où le collectif sud-africain a montré qu’il était toujours aussi bien huilé : un ballon bien capté en l’air, puis une percée de Damian De Allende, un relais de Cheslin Kolbe, puis Pieter-Steph Du Toit, pour aboutir à un essai en bout de ligne. Fatal.
Sacha Feinberg-Mngomezulu a manqué sa transformation, et été à deux doigts d’un carton deux minutes plus tard (6e), auteur d’un coup d’épaule au visage de Tommy O’Brien. Son geste semblait involontaire car sur des appuis instables en plein déséquilibre. Mais quelques minutes plus tard, le 2e ligne irlandais James Ryan, coupable d’un déblayage de l’épaule au visage de Malcolm Marx, n’a pas bénéficié d’autant de mansuétude, et son carton jaune (20e) transformé en rouge de 20 minutes après décision du bunker.
En supériorité numérique, plus puissants en mêlée, plus efficaces en touche, les Springboks ont concrétisé leur domination par un second essai signé de leur demi de mêlée Cobus Reinach (34e). Dans la foulée, les Irlandais ont perdu leur meneur de jeu Sam Prendergast (jaune, 34e). Réduits à 13 face à la meilleure équipe du monde, les joueurs d’Andy Farrell vont réussir à inscrire un essai rageur par leur talonneur Dan Sheehan (7-12, 38e). Mais, subissant les impacts et la pression sud-africaine, ils vont multiplier les fautes (9), encaisser deux nouveaux cartons jaunes, (Crowley, 40e, et Porter, 40e+4), et un essai de pénalité pour rentrer aux vestiaires sur le score de 7-19. Grâce à une pugnacité hors pair, ils sont restés au contact jusqu’à un essai de Feinberg-Mngomezulu, auteur d’une percée derrière une mêlée ultra-dominatrice (10-24, 46e).
À l’approche de l’heure de jeu, alors qu’ils jouent de nouveau à 15, les Irlandais ont même retrouvé de l’ardeur, récompensés par une pénalité de Prendergast (13-24, 56e), les derniers points marqués dans cette rencontre. Malgré un nouveau carton irlandais (McCarthy, 63e), les Springboks buteront jusqu’au bout contre la défense, mais repartent avec leur troisième succès de l’automne (13-24), leur septième consécutif depuis l’été.