« Moi ce que j’aime dans les échecs, c’est le combat ». Ce samedi matin de novembre, une cinquantaine de compétiteurs se sont donnés rendez-vous dans les locaux du Cercle Paul Bert, à Rennes. Des joueurs de tout âge, classés par groupe de niveau, s’affrontent dans le cadre du tournoi d’échecs mensuel du club.

Apprentissage de la frustration

« Cela permet d’affronter des gens que l’on ne connaît pas », explique Hugo, 12 ans. « Et dont on ignore les coups. C’est une surprise permanente. Quand on affronte des gens de son club, on connaît leurs coups favoris. Je sais par exemple que celui de Marc, c’est le coup du berger ». À ses côtés, son copain Marc, 9 ans, rigole : « C’est vrai que c’est mon coup favori ».

À quelques tables de là, les sourires laissent place à la frustration. Dans les bras de son père, Virgil, 7 ans, ne s’est pas remis de sa défaite. « Oui, perdre c’est dur. Mais n’abandonne pas pour autant. Il faut recommencer. Est-ce que tu veux t’entraîner un peu avec moi ? »

Un jeu dé-ringardisé

Maryse, une autre participante, intervient : « La légende dit qu’un joueur d’échecs qui vient de perdre a le sourire. À l’inverse de celui qui vient de gagner… car il n’écrase pas son adversaire. Dans les deux cas, il se comporte en gentleman ».

L’événement Tout Rennes Mat a attiré plus de 1 500 curieux à Rennes.L’événement Tout Rennes Mat a attiré plus de 1 500 curieux à Rennes. (Clément Limouse)

Encore considéré comme un jeu ringard il y a quelques années, les échecs ont retrouvé leurs lettres de noblesse. En atteste le succès de l’événement Tout Rennes Mat, organisé en septembre dernier sur la Place du Parlement de Bretagne. « On a perdu l’image austère qu’on attribue au jeu », souffle Clément Limouse, président sortant du club Rennes Échecs, organisateur de cet événement gratuit et ouvert à tous. Véritable succès populaire, le rendez-vous avait attiré plus de 1500 curieux sur la journée pour sa troisième édition.

Boom des inscriptions

Et l’intérêt grandissant du public se concrétise aussi avec une augmentation des licenciés dans les clubs. « On est passé de 20 adhérents à quasiment 130 en cinq ans », confirme Clément Limouse. « Il y a eu une effervescence au moment du COVID, les gens ont pris le temps de redécouvrir le jeu ». Un regain qui coïncide également avec la diffusion de la série Le Jeu de la Dame qui a connu un succès retentissant sur Netflix.

Dans le même temps, la Fédération Française des Échecs a lancé le programme Class’Échecs en 2022, un dispositif scolaire visant à initier 250 000 enfants sur trois ans, grâce à l’aide des professeurs des écoles. Un programme qui semble porter ses fruits, puisqu’un licencié sur deux est aujourd’hui âgé de moins de 18 ans. « Ça s’est démocratisé aussi via les influenceurs comme Julien Song (735 000 abonnés sur YouTube, NDLR), » confirme Clément Limouse. « Ils ont réussi à dépoussiérer le jeu en proposant des nouveaux formats adaptés à un public plus jeune ».

Encore peu prisé par les femmes

Malgré une popularité nouvelle, la mixité reste un défi pour les échecs. « On essaie de promouvoir la pratique féminine en leur permettant directement de participer aux compétitions départementales », explique Maryse, cheville ouvrière du club d’échecs du Cercle Paul-Bert.

« Le problème est que les filles qui ont commencé souvent plus tard, perdent d’emblée dans ces compétitions et se découragent ». Toutefois, la situation évolue : le club Rennes Échecs a, par exemple, créé sa toute première équipe 100 % féminine cette année. De quoi espérer le lancement d’une dynamique nouvelle.