Richard Marienstras (1928-2011), angliciste, spécialiste du théâtre élisabéthain et de Shakespeare, sur lequel il a publié plusieurs ouvrages, fondateur avec Pierre Vidal-Naquet et d’autres intellectuels juifs, du Cercle Gaston Crémieux, est l’auteur d’un livre devenu classique, Être un peuple en diaspora (Maspero, 1975).
Extrait du livre « Golem » de Richard Marienstras :
« Mais le trait génial de la tradition, cher monsieur Traducteur, c’est que le Golem, rien ne le distingue physiquement des autres hommes. On parle bien, dans une glose obscure, de son regard un peu voilé ou de sa voix quasi féminine et nasillarde, mais je soupçonne qu’il s’agit d’un apocryphe. Ce qui le distingue, en vérité, c’est sa mutilation, et sa mutilation est telle qu’elle ne lui permet pas de se savoir mutilé, de se soupçonner terrible !
Il peut vivre parmi nous, nous aimer ou nous haïr sous l’aspect de l’être le plus proche, et nous faire contracter sa pestilence. Trait génial, en vérité, de n’avoir pas fait de lui une créature divine ou exceptionnellement défigurée. La chose y perd en pittoresque, mais elle redevient moderne, elle se réincarne dans les mauvais génies contemporains … »
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Nous avons parlé la semaine de Textes de circonstance tirés de Être un peuple en diaspora, Maspero, 1975 de Richard Marienstras qui publia aussi un récit intitulé Le Golem dont nous venons d’entendre quelques lignes, accompagnées par le piano de Chenyin Li. Un récit illustré par un ami de Marienstras le peintre Emanuel Proweller. Une façon de découvrir un autre aspect de Marienstras qui est celui de l’amitié. La fille de Proweller, Élisabeth, dans ses souvenirs de jeunesse, évoque la « famille des amis ».
Ainsi, l’émission d’aujourd’hui poursuit la redécouverte de Richard Marienstras et la constellation de ses amis, dont Emanuel Proweller, et Abraham Zemsz qui fut un homme exceptionnel et auteur Des optiques cohérentes, sous-titré La peinture est-elle un langage, qui paraît aussi aux éditions de l’Éclat pour former un triptyque avec les Textes de circonstance et Le Golem.
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L’invité
Michel Valensi est musicien, violoncelliste et éditeur. A la fin des années 70 il est violoncelliste et chanteur au sein du groupe Lô, travaille pour le théâtre de l’Aquarium, et écrit les musiques des premiers spectacles de Michel Boujenah. En 1985 Il crée avec Patricia Farazzi les éditions de L’éclat.
Archive sonore
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Les livres dont il a été question dans l’émissionEmanuel ProwellerRichard MarienstrasLe Golem
Peut-on devenir Golem ?, semble se demander le protagoniste de ce court récit de Richard Marienstras paru en 1955. La nouvelle inscrit cette figure de la mythologie juive dans une aventure contemporaine et magique qui met en scène l’auteur malade et un personnage farfelu venu lui commander une traduction du yiddish. Être incomplet, le Golem que rien ne distingue de l’humain, laisse à penser que la connaissance de cette incomplétude guérit de l’incomplétude. Les dessins abstraits d’Emanuel Proweller, qui accompagnent le récit et tendent lentement au noir, confirment qu’il n’en est rien.
Abraham ZemszLes optiques cohérentesLa peinture est-elle langage?
« Nous avons voulu démontrer dans ce travail que les signes picturaux, tout en désignant les choses, signifient d’abord leur propre niveau symbolique et leur propre système de cohérence, que la surface picturale est une charnière où l’optique spontanée, empirique, et l’optique codée « topologique », se rencontrent, que les événements picturaux transforment un devenir cosmique en devenir humain et vice versa, que la peinture oppose au visible naturel des visibles signifiants, culturels, mythiques», écrit Abraham Zemsz pour présenter les Optiques cohérentes.
La vie d’Abraham ‘Abrasza’ Zemsz (1917-1979) fut toute son œuvre. Tous ceux et celles qui l’ont connu gardent de sa conversation infinie un souvenir ébloui. Sans domicile fixe, sans ‘travail’, il parcourait Paris et conversait des heures durant avec les amis rencontrés, quand il n’intervenait pas au séminaire de Lévi-Strauss au Collège de France, ou accompagnait Leroi-Gourhan dans les grottes d’Arcy-sur-Cure. Homme de ‘parole’, il a côtoyé une grande partie de l’intelligentsia parisienne de son temps: anthropologues, philosophes, artistes, galeristes, psychanalystes, et certains l’évoquent encore avec émotion, mais il n’a laissé qu’un seul écrit que nous republions aujourd’hui, consacré, paradoxalement, au ‘langage’ de la peinture. Cet essai d’une extraordinaire intelligence artistique révèle à la fois un penseur hors normes en même temps qu’un écrivain d’une grande sensibilité.
Postface de Jacques Morizot
Suivi de «L’œuvre-vie d’Abrasza Zemsz» par Michel Valensi
Photo de couverture: Elisabeth Brami
Editions de L’éclat © Radio France – DR