Le Premier ministre belge Bart De Wever, figure historique du nationalisme flamand, relance l’idée d’unir la Belgique et les Pays-Bas. Cela créerait la quatrième économie de l’UE avec un PIB de 1.800 milliards d’euros.
Ce n’est pas une blague. Le Premier ministre belge rêve d’unir son pays avec les Pays-Bas, et pourquoi pas avec le Luxembourg. Issu des rangs du nationalisme flamand, Bart De Wever, en fonction depuis le 3 février, a plaidé à plusieurs reprises pour une « union intime » entre les pays du Benelux, qu’il imagine « devenir le cœur battant de l’Europe ».
Par le passé, alors qu’il était le chef de l’opposition et maire d’Anvers, il avait déjà lancé: « Je n’ai jamais abandonné ce rêve: que tous les néerlandophones vivent un jour à nouveau ensemble. (…) Si je pouvais mourir en tant que Néerlandais du Sud, je mourrais plus heureux qu’en tant que Belge ».
Depuis son arrivée au pouvoir, De Wever persiste et signe, suscitant des réactions outrées, notamment en Wallonie francophone. « Comme Premier ministre, c’est quelque chose que je ne peux pas dire. Mais comme politicien et comme homme, je reste convaincu que la séparation des Grands Pays-Bas, au XVIe siècle, est la plus grande catastrophe qui nous soit arrivée », a-t-il glissé en juin.
Vu de France, l’idée paraît surprenante. Elle l’est moins en Flandre, travaillée par un important mouvement nationaliste. L’une de ses branches – dite thiois – milite pour la formation d’un « Groot-Nederland », rétablissant l’unité des « Dix-Sept Provinces » (qui comprenaient une partie du nord de la France et du Luxembourg).
Les Pays-Bas espagnols en 1560. © Commons
Cette union a été brisée en 1585, lorsque les Provinces-Unies (futurs Pays-Bas) ont obtenu leur indépendance, et brièvement rétablie en 1815 avant de voler en éclats en 1830 avec la révolution belge. Comme le note le Brussels Times, la notion de « Grand Pays-Bas », pensée comme réunion des territoires néerlandophones, a ensuite été portée par des partis d’extrême droite dans les années 1930 qui se sont compromis avec l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.
« La porte d’entrée de l’Europe »
Ce projet recouvre une dimension culturelle et identitaire, mais ses promoteurs insistent sur ses éventuelles vertus économiques. La fusion de la Belgique et des Pays-Bas créerait un État de près de 30 millions d’habitants, avec un PIB de près de 1.800 milliards d’euros, soit la quatrième économie européenne – après l’Allemagne, la France et l’Italie – et la douzième mondiale. En 2021, Gert de Wever imaginait: « Les ports d’Anvers et de Rotterdam pourraient fusionner pour devenir la porte d’entrée de l’économie de l’Europe du Nord-Ouest. Cela ressemble à une histoire fantastique ».
Mi-novembre, Matthias Diependaele, le ministre-président du gouvernement flamand, a soutenu la proposition du Premier ministre, en estimant que les deux pays pourraient nouer une « alliance pour l’innovation », en particulier dans le secteur des semi-conducteurs. Le Brussels Times relève que Matthias Diependaele a mentionné à ce propos les liens existants entre le géant néerlandais ASML et l’Imec, le grand centre de recherche belge sur les semi-conducteurs. Ces hommes politiques flamands promeuvent l’union avec les Pays-Bas comme une réponse aux « bouleversements géopolitiques ».
« Si l’on regarde ce qui se passe dans le monde, la manière dont les États-Unis envisagent désormais le libre-échange, la position de la Chine ou encore la menace venant de la Russie, il est clair que nous devons repenser nos alliances », a insisté Matthias Diependaele dans un podcast, rapporté par RTL info.
Une union supposerait évidemment l’accord des Pays-Bas, qui observent pour l’instant ce débat de loin (comme le Luxembourg). Si les économies belge et néerlandaise ont certaines similarités, elles divergent aussi sur des points importants. Le taux de chômage est bien plus élevé en Belgique (5,8%) qu’aux Pays-Bas (3,8%). Surtout, la Belgique a une dette publique conséquente (106,2% du PIB), quand les Pays-Bas sont un État particulièrement frugal (42,7% du PIB).
Pourtant nettement plus petite, la Belgique est d’ailleurs nettement plus endettée que celle de son voisin (660 milliards d’euros contre 480 milliards). En cas de fusion, les « Grands Pays-Bas » auraient une dette publique approchant 65% de son PIB, ce qui supposerait que les contribuables néerlandais « paient » pour la dette passée de leurs compatriotes belges.
« C’est quelque chose qui ne se fera pas du jour au lendemain », a reconnu Matthias Diependaele, le ministre-président du gouvernement flamand.
Sans aller jusqu’à la fusion, la Belgique et les Pays-Bas font déjà partie du Benelux, une union économique nouée à la fin de la Seconde Guerre mondiale qui pourrait être encore renforcée. Les traités européens prévoient en effet que le Benelux est la seule région habilitée à initier des collaborations allant plus loin que celles de l’UE.