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Rédaction Rennes

Publié le

23 nov. 2025 à 20h00

Le tribunal correctionnel de Rennes s’est penché, lundi 17 novembre 2025, sur le cas de cinq commerces de Rennes épinglés par une association pour avoir vendu illégalement de l’alcool à des mineurs. En effet, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) – aujourd’hui Addictions France – a mené une opération de « testing » dans sept commerces du centre-ville de Rennes le 3 novembre 2023 : un mineur de 17 ans avait été « recruté » par l’association pour aller « acheter de l’alcool » dans ces enseignes sous l’observation d’un huissier de justice.

« Un piège qui nous est tendu »

À chaque fois, il en était ressorti avec un « pack de bières » sans que le caissier ait « vérifié sa majorité », avait constaté l’huissier. Le code de la santé publique indique pourtant que « la vente des boissons alcooliques à des mineurs est interdite » et que « la personne qui délivre la boisson exige du client qu’il établisse la preuve de sa majorité ».

Les exploitants de cinq de ces commerces ont donc été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Rennes, lundi 17 novembre 2025. « C’est un piège qui nous est tendu », a dénoncé Hervé Merel, le gérant de la SARL Jenitom, qui exploite le Carrefour City de l’avenue Aristide-Briand.

« En tant que gérant, on ne peut pas être partout », s’est justifié celui qui assure délivrer « huit heures de formation » aux salariés nouvellement embauchés.

On peut être confronté à des mineurs qui paraissent avoir 25 ans et des majeurs qui s’offusquent qu’on leur demande leur carte d’identité.

Hervé Merel
Gérant de la SARL Jenitom

5 000 euros de dommages et intérêts demandés

Mais pour l’avocat de l’ANPAA, « ces enseignes n’ont pas fait le nécessaire » alors qu’elles avaient « l’obligation de faire respecter les dispositions légales » dans les magasins concernés.

Selon Me François Lafforgue, « 20 000 » commerces ont été « testés » par l’association en France depuis 2019, et « 92,7 % » ne se conforment pas à l’interdiction de vendre de l’alcool aux mineurs… « Il faut absolument marquer les choses », a estimé l’avocat, qui a réclamé en conséquence 5 000 euros de dommages et intérêts à chacune des sociétés prévenues.

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Un procès-verbal « lacunaire »

L’avocate de la SARL Emadis, qui exploite le U Express du boulevard de la Liberté, a pour sa part estimé que le « procès-verbal » dressé par l’huissier de justice était « lacunaire » : le mineur engagé pour mener les tests n’est « pas décrit », aucune mention de « l’heure » ou de la « date » du contrôle n’y figure et l’huissier ne fait pas état de sa « visibilité » sur les caisses depuis l’extérieur.

Si la « lutte contre l’alcoolisme » est une « cause très noble », il n’y a « pas suffisamment d’éléments probants pour entrer en voie de condamnation », a conclu Me Coraline Chavonet.

La « méthode » employée par l’ANPAA est d’ailleurs « déloyale » et « montre aux mineurs qu’ils peuvent acheter de l’alcool » sans être inquiétés, a-t-elle estimé.

Les avocats plaident la relaxe

« On inverse la charge de la preuve », a ajouté l’avocate de la société Ifri City, qui exploitait le Carrefour Express de la rue d’Antrain à l’époque du contrôle, et qui gère aujourd’hui celui d’Huelgoat (Finistère).

C’est en fait « au parquet » de Rennes de « prouver que l’entreprise n’a pas mis en place les mesures » imposées par la loi, comme des « affichages » en magasin, des « indications » sur les contrats de travail et des « formations » pour les nouveaux salariés, a fait valoir Me Pauline Kerloegan. Les deux avocates ont donc plaidé la relaxe de leurs clients.

Des « stratégies de défense »

Les gérants de ces sociétés mettent en place des « stratégies de défense » qui « font peser la faute sur le caissier », en a donc conclu le procureur de la République. Il a notamment évoqué une « mention automatique » attestant de la « validation de l’âge du client », qui est inscrite sur les « tickets de caisse » en appuyant sur un simple « bouton ».

Mais les exploitants « ne peuvent pas créer eux-mêmes les conditions de leur propre exonération de responsabilité », a tancé le magistrat. Il a donc requis à l’encontre de la société Ifri City une amende « d’au moins 1 500 euros ». Pour les autres, il n’a pas fait « d’observations » car le parquet n’est « pas à l’origine des poursuites ».

Trois sociétés sur quatre relaxées

Le tribunal correctionnel de Rennes a finalement relaxé trois des quatre sociétés poursuivies en raison de « l’imprécision des éléments contenus dans le procès-verbal » de l’huissier.

La société Ifri City a pour sa part écopé d’une amende de 1 500 euros et devra verser 1 400 euros d’indemnités à l’ANPAA, mais pour des faits postérieurs au « testing » de novembre 2023.

RB et GF (PressPepper)

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