«Je vais bien.» Voilà les premiers mots de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal tout juste sorti des geôles algériennes. Malgré sa maladie. «On m’a diagnostiqué un cancer de la prostate, raconte-t-il à Laurent Delahousse, ce dimanche 23 novembre au soir sur France 2. J’ai été traité pour ça de manière tout à fait remarquable par des médecins consciencieux qui ont fait plus que leur devoir. Je suis sorti de leurs mains en bonne santé.»

Interrogé sur ses conditions de détention, l’écrivain décrit : «On ne peut pas parler, on ne peut pas agir, on n’a pas de contacts avec les autres détenus, ni surtout avec l’extérieur. Je n’avais même pas d’avocat. J’étais coupé du monde. La vie est dure dans une prison, le temps est long, on s’épuise, on se fatigue, on se sent mourir.»

Et quand le journaliste de France 2 lui demande si sa parole est contrainte, l’écrivain répond : «Je ne vous parle pas de manière naturelle parce que naturellement, je suis plutôt exubérant. Là, je contrôle chacun de mes mots. Déjà, j’ai peur pour ma famille, j’ai peur qu’on arrête mon épouse. Je pense à Christophe Gleizes [journaliste sportif français détenu en Algérie, ndlr] et il n’est pas le seul, ils sont plusieurs dizaines de détenus politiques pour des raisons comme ça, bizarres.»

Lors de cette prise de parole très attendue, lourde d’enjeux diplomatiques et enregistrée en avance, Boualem Sansal est apparu en forme, cheveux courts et voix affirmée. Retrouver une vie d’homme libre est «compliqué» après un an de prison en Algérie, a admis l’écrivain de 81 ans. «On retrouve la vie, des senteurs, des murmures, des choses qu’on ne comprend pas très bien, dit-il. Il y a des choses qui m’exaltent. Dès que je passe quelque part, l’odeur de café me rend dingue.»

Il s’agit de la première apparition médiatique de l’écrivain, condamné à cinq ans d’emprisonnement en Algérie pour certaines prises de position sur son pays natal. Boualem Sansal, a finalement retrouvé la liberté le 12 novembre, gracié par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, à l’issue d’un long bras de fer entre la France et l’Algérie, puis de l’intercession de l’Allemagne.

L’auteur s’est exprimé ce dimanche sur les relations entre les deux pays : «Je suis, depuis toujours, pour la réconciliation entre la France et l’Algérie. Elle aurait dû se faire en 1962, comme les Allemands et les Français l’ont fait après la Deuxième Guerre mondiale, malgré les atrocités. On a raté le coche à cette époque. On aurait pu le faire, on l’a pas fait.» L’écrivain envisage d’ailleurs de revenir dans son pays natal, «le plus vite possible, si on me le permet».

Enfin, interrogé sur la position très offensive de Bruno Retailleau vis-à-vis de l’Algérie lorsqu’il était au ministère de l’Intérieur, Boualem Sansal confirme qu’elle a pu être un obstacle à sa libération : «Je pense, oui, d’une certaine manière.» Mais il l’assure, le patron des Républicains est son «ami» et ils vont se voir «dans les jours qui viennent».

Cette semaine, Boualem Sansal a dans son agenda plusieurs apparitions médiatiques. Il sera, ce lundi 24 novembre, l’invité de la matinale de France Inter à 8 h 20. Dès dimanche soir, la radio publique a publié sur son site un court extrait vidéo de son interview enregistrée. «La prison, on peut s’y habituer, il ne faut pas croire que c’est si terrible que ça, dit l’écrivain. On est obligé de garder sa souffrance pour soi. Les prisonniers ne communiquent pas sur ça, c’est le silence. On pleure dans sa cellule, le soir, tout seul, dans sa tête.»