Washington s’attaque à l’influence chinoise

Le port du Pirée, principal hub maritime grec, s’est retrouvé au centre d’une nouvelle tension entre Pékin et Washington. La semaine dernière, la nouvelle ambassadrice des États-Unis à Athènes, Kimberly Guilfoyle, a déclaré qu’il était « important de contester l’influence » qu’exerce la Chine à travers le contrôle du port.

Depuis 2016, le groupe chinois COSCO détient 67 % de la société gestionnaire du port, une infrastructure stratégique devenue la porte d’entrée de la Chine en Europe dans le cadre de son initiative des « Nouvelles Routes de la Soie ».

Pékin réplique et dénonce une « mentalité de guerre froide »

Les propos de l’ambassadrice américaine ont déclenché une réaction immédiate de l’ambassade de Chine à Athènes.

Dans un communiqué virulent, elle a dénoncé une attaque « infondée » contre les investissements et l’exploitation du port par les entreprises chinoises, y voyant le reflet d’une logique hégémonique et d’une mentalité de guerre froide.

L’ambassade a rejeté l’hypothèse évoquée par Kimberly Guilfoyle d’une possible reconfiguration du contrôle du port — y compris la revente de la participation majoritaire de COSCO.

« Le port n’est pas à vendre », ont insisté les diplomates chinois, accusant Washington de chercher à pousser Athènes à « rompre ses obligations contractuelles ».

Athènes marche sur une ligne de crête

Face à ces pressions, le gouvernement grec tente de conserver un équilibre délicat entre les deux puissances.

Le ministère des Affaires étrangères a souligné que la Grèce « respecte les accords conclus par le passé » et ne reviendra pas sur le contrat signé avec COSCO.

Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a rappelé que ces investissements avaient créé des « arrangements gagnant-gagnant » qui doivent être respectés.

Néanmoins, le dirigeant grec a laissé entendre que le pays cherchait à approfondir sa coopération avec Washington. Il a vanté le rôle stratégique de la Grèce comme porte d’entrée du GNL américain vers l’Europe, et l’importance du Corridor Vertical, destiné à alimenter en gaz naturel plusieurs pays d’Europe de l’Est — notamment l’Ukraine.

La question ukrainienne ravive les tensions avec Moscou

L’orientation pro-américaine d’Athènes a été accentuée par un accord signé la semaine dernière avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en visite en Grèce.

Les deux dirigeants ont annoncé un partenariat pour la co-production de drones maritimes, une coopération militaire qui a immédiatement suscité la colère de Moscou.

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a accusé Athènes de mener une politique « provocatrice et conflictuelle » et de s’engager dans des actions « ouvertement hostiles ». Elle a également prévenu que la Russie « répondrait de manière appropriée ».

En réaction, la Commission européenne a exprimé sa pleine solidarité envers la Grèce.

Entre les deux blocs, un dilemme stratégique

Le Pirée n’est plus seulement un port commercial : il est devenu un symbole puissant de la rivalité entre Chine et États-Unis.

Pour la Grèce, qui cherche à maintenir ses investissements tout en renforçant ses alliances occidentales, le défi consiste à ne pas devenir un champ de bataille diplomatique.

Face à une compétition géoéconomique mondiale, Athènes tente de préserver son autonomie, mais chaque prise de position — en faveur de Washington ou de Pékin — déclenche une réaction immédiate des puissances rivales.