INTERVIEW – Succès surprise au box-office, le septième film de la saga horrifique fait du méchant un chasseur héroïque. Rencontre avec l’artisan de ce défi le réalisateur Dan Trachtenberg.

L’arrivée sur les écrans américains, ce week-end, de Wicked For Good  a changé la donne. Mais jusqu’à présent les bonnes surprises outre-Atlantique au box-office étaient rares. Plusieurs films grand spectacle, tel Tron : Ares, ont échoué à trouver leur public. Seule exception de Predator : Badlands . Sorti début novembre le septième film de la saga horrifique a inversé la proposition originelle, faisant du méchant un chasseur héroïque. Predator : Badlands a surpassé les attentes, amassant dans le monde plus de 140 millions de dollars de recettes. Le record de la franchise. De quoi, aussi, rentrer dans les frais de son budget de 105 millions. Un succès à mettre au crédit du réalisateur Dan Trachtenberg. Déjà à la barre de Predator : Prey  et du film d’animation Killer of Killers, le cinéaste de 44 ans a revitalisé l’univers.

Signe de cette popularité, il faisait salle comble début octobre au Comic Con de Malaga (déclinaison européenne du fameux Comic Con de San Diego) où il était venu présenter en compagnie d’Elle Fanning, piquante androïde, les 20 premières minutes de Badlands, qui brouille les lignes entre horreur, aventure et comédie des contraires. Pour Le Figaro, il était revenu sur la genèse de Badlands, dont les partis pris ont parfois divisé les fans.


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LE FIGARO – Predators : Badlands change le principe de la franchise en nous faisant entrer dans l’esprit d’un Predator. Comment vous est venue cette idée inattendue ?

Dan Trachtenberg. Je venais de terminer mon premier film Predator : Prey. Je m’interrogeais : y avait-il encore quelque chose à faire dans la franchise Predator ? J’ai repensé à cette question qui agite les fans : pourquoi le Predator ne gagne pas ? Le Predator est un chasseur le plus redoutable de l’univers. Pourtant, lorsqu’il débarque sur terre, ça ne marche jamais. Au départ, j’ai été tenté de réaliser un film sur la victoire d’un Predator. Mais je ne voulais pas être nihiliste et livrer un énième slasher. Une autre intuition s’est imposée : et si je signais un récit où le public est en empathie avec le Predator et le soutient ?

Vous l’avez transformé en marginal.

Ce que traverse Dek est une expérience émotionnelle universelle à laquelle nous pouvons tous nous identifier.

Quelles ont été vos inspirations pour imaginer la flore et la faune mortelle de la planète hostile Genna ?


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Il fallait façonner une planète qui essaierait de tuer Dek de toutes les manières possibles. Ce ne sont pas uniquement les animaux et les créatures qui en ont après lui. L’herbe, les fleurs, les arbres, les paysages veulent aussi sa peau. On a beaucoup planché sur la conception artistique. Au départ, nous avions imaginé de la neige tranchante mais ce dessin me faisait penser à des hautes herbes et c’est comme cela que nous sommes arrivés sur cette herbe rasoir. L’univers de Terrence Malick, son naturalisme ont été une de nos références. Tout comme les comédies d’action de potes comme la comédie policière Midnight Run avec Robert de Niro. Mon directeur de la photographie et moi avons aussi revu le Macbeth réalisé par Justin Kurzel.

Elle Fanning et Dan Trachtenberg sont venus défendre Badlands en octobre au Comic Con de Malaga.
Daniel Perez / Getty Images for Disney

Comment vous est venue l’idée de confier le rôle du compagnon de route de Dek, celui de l’enthousiaste androïde Thia, à Elle Fanning ?

Depuis que j’ai vu Elle dans Super 8, ce rôle ne pouvait être que le sien. Thia lui ressemble tellement. Elle partage sa mentalité de voir le verre à moitié plein, son optimisme, son absence d’entraves. Thia tellement chaleureuse et à l’opposé de ce qu’est le Predator. Ce duo mal assorti était excitant à mettre en scène. Leur alliance est fragile : à l’image de ce qui les relie : un amas de lianes. Toutefois, émotionnellement, ils ne sont pas si éloignés. Ils ont été rejetés par leur environnement et leur tribu d’origine. Super 8 nous avait aussi montré qu’Elle Fanning est tout à fait capable de tenir une double performance. Dans Predator : Badlands, elle incarne à la fois Thia et son double Tessa.

Dek est l’avorton de son clan. Qu’est-ce que cela change dans son apparence ?

Les Predators qui apparaissent dans Badlands sont les plus « habillés » de la saga. Nous avons imaginé des costumes qui reflétaient leur culture et leurs rites de passage. Il était important que nous Dek puisse s’exprimer dans l’idiome de son espèce : le yautja. Nous avons fait appel à un spécialiste des langues fictives, qui nous a aidés à développer une grammaire et une sémantique. Dek porte une armure d’entraînement au début du film. Son odyssée sur Genna le métamorphose. Son costume en porte les stigmates à la fin. Nous cherchions aussi à établir une continuité physique avec le protagoniste du film de 87, qui évoluait dans la jungle. Il fallait une allure féroce mais aussi des yeux qui puissent exprimer ce qu’il ressent. J’ai réalisé trois longs-métrages Predators. J’espère avoir réussi à glisser un nouveau souffle en combinant des genres nouveaux pour entraîner la saga dans des aventures inédites. À chaque fois, mes films dépeignent des histoires être sous-estimées. Leurs intrigues parlent de lutte pour la survie, de la force absolue de la nature, d’héritage, de ce qui nous façonne, d’où nous venons et où nous allons, quitte à diverger de voies toutes tracées.