Près de vingt ans qu’ils attendent des réponses et des sanctions. Des dizaines de patients du docteur V., un chirurgien orthopédiste grenoblois, l’accusent d’avoir raté des opérations. Certains ont terminé en fauteuil roulant, et deux sont décédés. Le docteur de la clinique des Cèdres est mis en examen depuis 2020 pour « blessures et homicides involontaires ». Mais à Grenoble, s’il ne peut plus opérer depuis le mois d’août dernier, il consulte toujours, à la clinique des Cèdres d’Échirolles, en banlieue de Grenoble.
« C’est un délinquant de la médecine. » René Santimone ne mâche pas ses mots à propos du docteur V., contre lequel il a porté plainte. Au micro de BFMTV, le plaignant raconte son calvaire. En 2017, une douleur à l’aine le pousse à consulter. Après avoir passé une radio, le docteur V. programme l’opération de René Santimone pour le 25 octobre de la même année. « C’était un mercredi », se rappelle-t-il. Les deux jours suivants, René ne se doute pas du calvaire qui l’attend.
Vers 11 heures, le samedi, le patient sent que ça ne va pas. « Mon corps se raidissait », raconte-t-il. René ne parvient pas à uriner. Quelques heures plus tard, une infirmière pose une sonde, sans anesthésie. « Je n’ai rien senti », dit René. Dans la soirée, l’homme apprendra qu’il devra passer un scanner et subir une nouvelle opération le lendemain.
« Le lendemain, le docteur V. s’est confondu en excuses, a réopéré en fin de journée ». Opération après laquelle René passe deux jours en soins intensifs. Le docteur V. se montre rassurant et lui explique « vous aviez fait un hématome ». Rien de grave donc.
Des séquelles à vie
Pourtant, depuis ces opérations, René Santimone enchaîne les galères et portera des séquelles à vie. En réalité, le chirurgien a coincé un nerf. Une erreur qui conduit le patient à passer quatre mois en fauteuil roulant. Aujourd’hui, huit ans après l’opération, René Santimone a toujours des difficultés à se déplacer. Pour marcher, il s’aide d’une béquille et décrit des douleurs quotidiennes.
Samanta et Lara Imhoff sont deux sœurs. Leur mère a été victime du chirurgien. Aujourd’hui décédée, Catherine a vécu une véritable descente aux enfers. Une dégringolade vécue par ses filles « jusqu’à sa mort en 2021 ». « Son état n’a fait que s’aggraver », raconte Lara, « il n’y a pas eu d’amélioration, ça a été de pire en pire ».
En 2010, Catherine Levet Imhoff s’allonge pour la première fois sur la table d’opération du docteur V. Cette intervention chirurgicale marquera le début d’un calvaire qui durera onze longues années. La patiente est opérée à sept reprises pour tenter de rattraper l’erreur de la première.
Édouard Bourgin, avocat des parties civiles, défend cinquante victimes du chirurgien. Au micro de BFMTV, ce dimanche 23 novembre, le conseil revient à la genèse de cette affaire pour laquelle plusieurs procédures sont en cours au civil et au pénal, mais aussi du côté de l’ordre des médecins. En 2007, Christophe Fuselier est opéré par le docteur V. Après quoi, le patient décédé en octobre 2018, avait dû être amputé de la jambe gauche. « On est sur un dossier d’homicide involontaire », clame l’avocat.
« Ça fait donc 17 ans qu’à Grenoble, un chirurgien, qui a causé le décès d’une personne, n’a toujours pas été jugé correctement par les institutions disciplinaires », s’emporte Édouard Bourgin. Et d’ajouter, « soixante, c’est le nombre de dossiers dans lesquels ce chirurgien a été condamné soit par la justice pénale, civile ou ordinale ».
Le chirurgien clame son innocence
En avril 2018, quelques mois avant son décès, Christophe Fuselier expliquait au Parisien, que lors de l’intervention chirurgicale au CHU de Grenoble, sa « veine iliaque a été sectionnée et [ses] jambes n’ont pas été irriguées pendant un long moment. » Le plaignant a ensuite été victime d’un syndrome des loges et de nombreuses infections ayant entraîné l’amputation de sa jambe. Après ce témoignage, le docteur V. n’a pas hésité à porter plainte contre son ancien patient pour « diffamation ».
Pour rappel, le docteur V., a été suspendu trois ans dont un an et demi avec sursis par le Conseil de l’ordre des médecins. En juillet 2025, il est condamné à indemniser un patient à près d’un million d’euros et depuis le mois d’août, il a interdiction d’opérer.
De son côté, le chirurgien clame son innocence et conteste avoir pratiqué des opérations abusives. Sur son site internet la clinique des Cèdres où il exerce, indique que l’expertise du docteur V. est mise à profit dans le domaine des pathologies de la colonne vertébrale et du membre inférieur afin de préciser le diagnostic. » Il est toutefois précisé qu’en « cas d’indication chirurgicale », le patient sera adressé « à un confrère ». Il peut néanmoins assurer le suivi post-opératoire.
Article original publié sur BFMTV.com