En quelques jours, plusieurs écoles primaires de Nantes et des alentours ont reçu un étrange courrier. Dans des lettres anonymes recopiées à l’identique, un corbeau s’en prend aux séances d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, considérées comme matière à part entière depuis la rentrée de septembre.
Prévenue par des enseignants, Annabel Cattoni, co-secrétaire départementale du syndicat enseignant FSU-SNUipp 44 a découvert les propos « ignobles et mensongers » de ces mystérieuses missives. « Attention à l’obéissance aveugle aux consignes bien pensantes de l’académie », peut-on lire sur une feuille de papier filmée par TéléNantes. « A travers ces vidéos dites pédagogiques faites par l’IA, l’enfant est réduit à l’état d’objet sexuel. […] On lui suggère que son entourage est menaçant », continue le message anonyme.
« Danger immédiat »
Pour la représentante syndicale, ces lettres « ne sont pas très claires », le contenu semble avoir été « tiré de différents tracts » qui s’opposent à ces séances. « On y lit que ce n’est pas aux écoles d’enseigner cette matière. Que nous n’avons pas à nous occuper des risques de pédocriminalité dont pourraient être victimes les enfants », résume-t-elle.
Selon le Code de l’éducation, « une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles » depuis 2001. Une obligation qui a pu faire réagir « certains parents de manière sporadique » au cours des dernières années notamment pour des « questions culturelles », évoque la direction d’une des écoles, « mais rien à voir avec les propos déplacés tenus dans le courrier ». La situation « met nos collègues très mal à l’aise, explique Annabel Cattoni, nous ne savons pas si ces lettres ont été déposées par un parent mécontent ou par un membre extérieur ». Craignant un « danger immédiat », le syndicat a demandé au directeur académique de diligenter une enquête.
Un sujet « compliqué »
Dans les établissements destinataires de ce courrier, les séances d’éducation à la vie affective auraient bien eu lieu comme l’indique le règlement. Annabel Cattoni déplore cependant un manque de formations des enseignants pour un « sujet compliqué ». « Sur le département, il existe très peu de formations disponibles pour apprendre à recevoir la parole de certains élèves » victimes de violences sexuelles à la maison, cite-t-elle en exemple.
Si le syndicat n’avait jamais eu vent de lettres anonymes auparavant, ni en Loire-Atlantique, ni dans d’autres départements, « des tracts sont régulièrement distribués devant le rectorat de Nantes et des affiches placardées » au sujet de cette matière qui divise. Paradoxalement, 17 % des 15-24 ans déclarent n’avoir jamais bénéficié d’une seule séance d’éducation à la vie affective et sexuelle au cours de leur scolarité selon un sondage réalisé par l’Ifop en 2023.
Mardi, le Planning familial, Sidaction et SOS homophobie défendaient devant le tribunal administratif de Paris la mise en œuvre du programme. Ils dénoncent une « carence fautive » de l’Etat dans la mise en application de ces séances.