Lina (1) se souvient précisément du jour où «tout a dérapé» dans la petite école de sa fille, en Haute-Garonne. Juliette (1) est en CM1 quand l’arrivée d’une nouvelle recrue bouleverse toute l’ambiance du périscolaire, ces temps du matin, du midi et de la fin d’après-midi, quand ce n’est plus l’école qui encadre les enfants. Trois agentes se mettent à hurler du matin au soir, insultent les enfants – «petite merde», «tu vaux rien» – leur interdisent de jouer, de se moucher. A la cantine, il faut «la fermer». Un midi, l’une d’elles baisse le short de Juliette devant tout le monde.

Dans la commune voisine, Farah (1), une autre mère, tombe sur cette même équipe, qui tourne sur plusieurs écoles. Son fils de 10 ans encaisse les insultes – «enfoiré», «petit con» –, devenues la bande-son du midi. Un jour, de retard à la cantine, on refuse de le servir. Les agentes imposent aussi de longues «méditations» d’une demi-heure : les élèves doivent rester assis par terre en tailleur, yeux et bouches fermés, sans bouger.

Si de nombreuses équipes périscolaires tiennent la barre, souvent à bout de bras, ces deux récits ressemblent à beaucoup d’autres. De la Haute-Garonne à la Seine-Maritime, des maternelles parisiennes aux écoles guyanaises, Libération a recueilli une quinzaine de témoignages d’animateurs et de familles. Tous décrivent la même mécanique. Une violence systémique qui prospère dans cette zone grise du temps périscolaire. Des enfants