Vingt minutes, déclaration à la presse comprise. C’est le temps qu’aura passé l’ambassadeur de Russie en France, Alexey Meshkov, dans les allées du cimetière de Saint-Pierre-d’Oléron (Charente-Maritime). Dans le cadre d’une « visite purement humanitaire » et controversée, le diplomate est venu célébrer la mémoire de quatre soldats soviétiques morts sur l’île d’Oléron durant la Seconde Guerre mondiale. Enrôlés de force par l’armée allemande sur le front de l’Est, ces quatre hommes ont atterri – comme une soixantaine d’autres soviétiques – à Oléron et participé à la construction du mur de l’Atlantique.

Plusieurs d’entre eux ont très vite aidé et informé la Résistance. Les quatre hommes inhumés à Saint-Pierre-d’Oléron ont même mené des coups d’éclat comme la destruction d’un important dépôt de munitions et de pièces d’artillerie. Ils l’ont payé de leur vie avant d’être enterrés sous deux stèles arborant l’étoile rouge, la faucille et le marteau.

« Des tombes dans un état délabré »

Informée l’an dernier par un historien amateur d’Oléron, Philippe Lafon, l’ambassade russe a décidé de rénover ces deux stèles à ses frais, sans effectuer la moindre démarche officielle auprès des pouvoirs publics. Selon nos informations, il s’agit de concessions communales. Montant de l’addition : près de 2000 euros, selon Philippe Lafon qui a « transmis le devis » aux Russes. Ceux-là entendaient ainsi récupérer la monnaie de leur pièce en se déplaçant à Oléron.

Opposés à cette visite comme à la guerre en Ukraine, une cinquantaine de manifestants ont tenté de se faire entendre dans le calme. Ils ont été repoussés loin de l’entrée du cimetière – leurs panneaux et drapeaux ont été confisqués par les gendarmes.

Face à une vingtaine d’officiels russes et dans un cimetière vide et placé sous bonne garde, Alexey Meshkov a pu exprimer sa « gratitude à ces héros après leur exploit et leur dévouement ». En aparté, le diplomate a également justifié la méthode russe : « Ces tombes appartiennent à l’Humanité. Il était insupportable de les voir dans un état délabré. »

Les manifestants ont, eux, dénoncé « une action de propagande » destinée à « redorer l’image de la Russie ». Ukrainienne et présidente de l’association Oléron pour l’Ukraine, Olga Gaillard-Bazylenko était présente, ruban jaune et bleu épinglé sur son manteau. « Voir ici le représentant en France du pays agresseur, c’est scandaleux. Pourquoi venir ici ? C’est de la provocation », estime-t-elle. « C’est du mépris à l’encontre des réfugiés ukrainiens », ajoute Thyde Rosell, une Oléronaise. L’île comptabilise actuellement une vingtaine d’Ukrainiens installés depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.