C’est une nouvelle valse annoncée des enseignes dans la grande distribution. À l’horizon fin 2026, la quasi-totalité des supermarchés Auchan français, Corse exceptée, pourraient arborer l’enseigne Intermarché ou Netto. 294 magasins, d’un format de 400 à 2500 m2, sont concernés. Le groupe nordiste a présenté ce mardi matin aux élus du personnel un projet de « coopération » décrit comme « innovant », avec le groupement Les Mousquetaires. Il ne s’agit pas d’une vente, mais d’une forme inédite de franchise.

Ces magasins seraient – une fois recueilli l’avis de l’Autorité de la concurrence, et au terme d’une information-consultation des représentants du personnel – transférés au sein d’une société autonome sur un plan juridique, mais restant liée au groupe Auchan.

Le projet concerne 261 supermarchés intégrés (gérés directement par l’enseigne), mais aussi 33 établissements déjà aux mains de gérants en franchise. « On va dialoguer avec ces derniers », indique Guillaume Darrasse, directeur général d’Auchan Retail.

Les points de vente passeraient alors sous la bannière d’Intermarché ou Netto, en franchise, et les clients y trouveraient les marques propres à ces enseignes.

« Ce mouvement doit nous permettre de revenir dans la course »

L’opération permettrait, selon Guillaume Darrasse, de « gagner plus de six points de compétitivité prix, au profit du consommateur ». L’entité créée pour exploiter en franchise les supermarchés continuerait alors à percevoir le chiffre d’affaires des magasins (estimé aujourd’hui à 3,3 milliards d’euros), tandis qu’Intermarché gagnerait en parts de marché. D’après Guillaume Darrasse, le parc des supermarchés Auchan représente aujourd’hui environ 2 % de parts de marché. Au global, l’enseigne en totalise 8,6 % (selon l’institut Worldpanel, ex-Kantar), et se classe à la 5e place des acteurs de la grande distribution en France, talonnée de près par Lidl (7,8 %).

« Ce mouvement doit nous permettre de revenir dans la course, d’amener de la performance sur le supermarché, et de concentrer nos efforts sur les hypermarchés, que 9 clients sur dix continuent de fréquenter en France », explique Guillaume Darrasse.

Ce dernier y voit aussi le renforcement d’une « alliance » entre Auchan et Intermarché – qui disposent depuis 2024 d’une centrale d’achats commune Aura Retail, et sont tous deux parties prenantes des centrales européennes Epic et Everest. Les deux enseignes ont également en commun d’avoir acquis une partie des supermarchés et hypermarchés Casino : Auchan avait mis la main sur 98 magasins, mais en a déjà cédé 19 au discounteur Lidl.

Du côté du groupement Les Mousquetaires, 3e acteur de la grande distribution, avec 17,7 % de parts de marché début octobre (toujours selon Worldpanel), l’opération pourrait permettre de toucher du doigt, d’ici 2028, les 20 % de parts de marché espérées, par son président Thierry Cotillard. Celui-ci salue, par voie de communiqué, une étape qui « renforcera nos enseignes sur les formats de proximité », après une succession d’opérations de rachat. Le groupement d’indépendants avait acquis 294 supermarchés et hypermarchés Casino en 2023 et 2024 (dont une trentaine ont finalement baissé le rideau) et il a depuis également absorbé 81 magasins Colruyt dans l’est de la France, revendiquant désormais un point de vente tous les 10 km.

Un plan social en cours

Mais l’annonce soulève pour l’heure l’inquiétude et la révolte parmi le personnel d’Auchan et ses représentants alors que 11 400 salariés sont concernés par ce changement de pavillon. Jean Pastor, délégué CGT, exprime « de la colère » : « Beaucoup de questions restent sans réponse : que deviennent les magasins déjà franchisés ? Que se passera-t-il si, pour des raisons de concurrence, des supermarchés ne peuvent pas passer sous enseigne Intermarché ? »

De son côté, Franck Martinaud, délégué FO Auchan Retail, pointe un détail qui n’en est pas un : « Il s’agirait d’un transfert des contrats de travail dans une nouvelle structure. Les salariés perdraient les acquis négociés au sein du groupe Auchan : mutuelle, prévoyance, participation, intéressement… Et si des magasins ne peuvent passer Intermarché, la direction a été très claire : elle n’exploitera plus de supermarchés sous l’enseigne Auchan. Nous demandons une garantie de l’emploi, et un maintien des avantages sociaux. »

Sujet sensible dans un contexte social particulier : l’enseigne a mis en œuvre, courant 2025, un plan social devant aboutir à la suppression de près de 2400 postes. Fin septembre, le tribunal administratif de Lille (Nord) a invalidé ce plan, une décision dont Auchan a fait appel. L’enseigne a par ailleurs engagé un plan de transformation d’une vingtaine de ses hypermarchés (117 magasins) – les travaux devraient se terminer pour la moitié d’entre eux en janvier prochain.