En sortant d’audience peu avant 17 heures ce 25 novembre sous les huées des syndicalistes rassemblés devant le tribunal, Philippe Rivière, tête baissée, oreille vissée à son téléphone et le pas rapide, n’a pas grand-chose de l’image flamboyante de capitaine d’industrie qu’il s’était forgée. Il s’est refusé à toute déclaration. Le dirigeant d’ACI Groupe, sans pouvoir depuis la prise en main de la holding aux 40 entreprises et 1 600 salariés par deux administrateurs judiciaires le 14 octobre, était à nouveau entendu par le tribunal des activités économiques de Lyon en vue d’une possible liquidation judiciaire, deux mois après une mise en redressement. Après quelques heures de débat à huis clos, l’audience a été renvoyée au 9 décembre.

Un investisseur mystère

« Il a parlé de quelqu’un prêt à investir », rapporte Samy Tabti, délégué syndical CGT de l’entreprise ligérienne Roche Meca Tech , propriété d’ACI Group et elle-même en redressement judiciaire, qui a discuté avec Philippe Rivière après l’audience. Ce nouvel investisseur mystère permettrait de financer la période d’observation des administrateurs judiciaires voire de relancer la holding. Sauf que Philippe Rivière n’a pas produit de preuve tangible de cet investissement, d’où ce délai supplémentaire de deux semaines.

« Le tribunal a ordonné un renvoi au 9 décembre, date à laquelle Philippe Rivière devrait avoir les fonds suffisants […] pour proposer une sortie par le haut » de cette crise, « afin de préserver l’emploi et le groupe », a assuré à l’AFP son avocat Gauthier Doré, qui dit avoir plaidé dans ce sens.

Les représentants des travailleurs sont dubitatifs quant à l’existence même de cet investisseur. « Il a fait le coup il y a quelque temps avec un fonds qui s’appelait Fortuna, qui n’a jamais versé un euro », argumente Fabrice Fort, coordinateur Auvergne-Rhône-Alpes de la CGT métallurgie. Le syndicaliste voit dans ce report un délai supplémentaire, pour Philippe Rivière, qui « va pouvoir gagner du temps », ainsi que pour les nombreuses entreprises qui n’ont pas encore été liquidées, qui « doivent utiliser ces deux semaines pour essayer de trouver un repreneur, même celles qui ne sont pas encore en redressement judiciaire ».

Une enquête pénale

Tant pis pour « la clarification » qu’attendaient les syndicats, qui accusent Philippe Rivière d’avoir siphonné les ressources des entreprises rachetées pour s’enrichir personnellement tout en profitant de subventions publiques substantielles. « On espère que la décision de justice nous aidera à y voir plus clair dans la situation financière. » Selon Fabrice Fort, la liquidation, qui peut être prononcée le 9 décembre, peut avoir plusieurs conséquences pour les entreprises détenues par ACI.

« Premier cas de figure : tous les établissements passent en redressement judiciaire et doivent, en 30 jours, trouver un repreneur, faire un état des lieux des ressources, des clients et des comptes pour prouver au tribunal que l’entreprise est viable. Deuxième cas, la holding tombe et on fait une sorte de vente à la découpe, avec certaines entreprises liquidées et d’autres en redressement. »

À ce jour, sur les 40 structures détenues par ACI, quatre ont déjà mis la clé sous la porte et sept sont en suspens.

Quelle qu’en soit l’issue, l’audience du 9 décembre ne sera pas la fin des ennuis judiciaires de Philippe Rivière. L’AFP a appris auprès du parquet de Lyon qu’une plainte pour abus de biens sociaux visait directement le dirigeant et une enquête est en cours. Procédure que le patron a refusé de commenter.