Depuis 1925, l’Union Sportive Arménienne est l’un des repères historiques de La Madeleine. Fondé par des rescapés du génocide et aujourd’hui présidé par Alexandre Saradjian, le club est devenu une véritable « passerelle d’intégration » niçoise grâce au sport, du basket au football en passant par l’athlétisme.
À quelques encablures du stade Nicolaï, la porte du siège est restée la même, ou presque. À l’intérieur, des photos sépia côtoient les maillots des équipes de basket et des fanions de tournois de football. Cent ans séparent ces générations, mais c’est toujours la même histoire. Celle d’un petit club de quartier qui a permis à des rescapés du génocide arménien de devenir de vrais Niçois.
« L’Union sportive arménienne a été fondée en 1925 par ceux qui sont arrivés ici en 1922. Ils n’avaient plus rien, on leur a dit : ‘Vous irez là-bas, dans le Vallon de la Madeleine’ » rembobine son président, Alexandre Saradjian. « Le club, ça a été un outil d’intégration et d’assimilation extraordinaire. »
Au départ, l’Union sportive arménienne n’est pas un club français. « C’était une association étrangère sur le sol national, jusqu’en 1946, où elle a été ‘naturalisée’ » rappelle-t-il, lui-même basketteur aguerri. Entre-temps, plusieurs adhérents ont pris les armes pour la France.
Parmi ces figures, un nom revient : Gérard Masbourian, ancien président, résistant français, proche du général Bigeard. « Il a été son témoin de mariage. Ça dit à quel point les Arméniens de Nice se sont engagés pour leur pays d’adoption. »
Dans les années 1920 et 1930, les fondateurs sont installés dans ce qui deviendra la « cité arménienne », plus haut sur le boulevard, autour de l’église et, plus tard, de l’école Barsamian. « Le club est né pour s’intégrer à Nice, rencontrer les Niçois et les Maralpins. Au début, c’était l’athlétisme et le football. Petit à petit, le foot a pris une place énorme. »
En 1974, Jacques Médecin inaugure officiellement le QG, dans ce qui n’était à l’époque qu’un garage. « C’est devenu notre maison, notre ancrage. C’est ici que l’on a vu défiler des générations de gamins de la Madeleine, Arméniens ou non. »
Déjà centenaire !
Très vite, l’USA cesse d’être le club d’une seule communauté. « Les amitiés se sont créées, des mariages mixtes, des voisins qui venaient jouer. Aujourd’hui, c’est un club franco-arméno-niçois, et très clairement madeleinien » sourit Alexandre Saradjian.
Le basket est le cœur battant de la maison. « On a une équipe senior loisirs et plusieurs de jeunes, de U7 à U13. » À cela s’ajoutent une équipe de foot U7, un groupe de futsal loisirs, du volley mixte tourné vers les Euro Armenian Games, et ce qui fait l’âme du siège : les « sports de table », comme le backgammon ou les échecs.
© Romain Boisaubert / Nice-Presse
Environ 150 licenciés font vivre ce petit monde. Depuis l’après-guerre, il participe à des compétitions européennes. « Depuis que j’ai 16 – 17 ans, je prends part aux Jeux Panarméniens et aux Euro Armenian Games. En Arménie, c’est très suivi, il y a la télé nationale, un vrai niveau, parfois avec des pros. Redonner un maillot ‘Nice’ à ces rendez-vous, c’était important pour moi. »
Le centenaire, fêté cet automne, a acté cette « double identité ». Profondément niçoise et liée à une histoire douloureuse. Tournoi international avec plus de 150 sportifs venus de Belgique, Paris, Marseille, Montpellier, Valence… grande soirée de gala au Negresco et parrainage du boxeur Arsen Goulamirian, champion du monde WBA de 2019 à 2024.
« J’y ai reçu la médaille d’or de l’Assemblée nationale, remise par le député Bernard Chaix, et la médaille de la Ville par Magali Altounian au nom de Christian Estrosi. C’est une vraie reconnaissance de l’engagement du club pour la commune et pour la France. »
Acteur social au milieu des difficultés
Le club a dû encaisser des coups durs. Le plus symbolique ? La transformation de la salle Tony Bessi, historiquement sa « maison », en équipement dédié au roller-hockey. « On a perdu une grande partie de nos équipes de basket. On a dû se reporter à l’est de la ville, vers le Port. On n’est plus résidents nulle part, on navigue. »
D’où une obsession, celle de « réinscrire nos équipes sur la Madeleine. On est un club de quartier, on doit jouer ici. »
En parallèle, le siège, lui, a retrouvé de la vie. Lotos, repas, petites soirées thématiques. « On recrée de la convivialité. On fait venir des personnes âgées, des retraités isolés qui trouvent ici un rôle, une utilité. L’intergénérationnel, c’est vraiment l’esprit. »
« Un gamin qui vient chez nous ne va ni dealer, ni traîner »
Alexandre Saradjian assume un autre objectif très concret : « un gamin qui vient faire du foot ou du basket, le mercredi, il ne va pas dealer, il ne va pas traîner, il ne reste pas enfermé seul chez lui. Il rencontre d’autres enfants, des éducateurs, il porte un maillot. Ça crée un sentiment d’appartenance. »
Le club travaille main dans la main avec les autres acteurs de la Madeleine, à l’image du comité de Frédéric Bandezian, fils de Jacques Bandezian, l’ancien président d’honneur de l’USA.
« Sans les associations, le secteur ne vivrait pas de la même façon. Les commerçants font beaucoup, mais les clubs, c’est la vie sociale. Les parents ont besoin que leurs enfants sortent, se dépensent, apprennent le respect, la tolérance, le mérite. Le sport gomme beaucoup de différences. »
